La République est le règne de la chose publique, de l’intérêt général, garanti et incarné par un État composé d’agents qui doivent sans cesse démontrer leur désintéressement. Mais contrairement à la logique rousseauiste promue par la Loi Le Chapelier, qui entend réaliser l’intérêt général par l’interdiction faite à tout intérêt particulier de s’organiser, s’inventent au XIXe siècle une série de dispositifs de représentation des intérêts privés. Dans ce processus, le monde du travail, où les antagonismes s’accentuent à mesure que se développe l’industrialisation du pays, joue un rôle central, notamment parce qu’y émerge une classe que ses défenseurs définissent par la généralisation de son intérêt propre : le prolétariat. Après l’échec de l’insurrection de juin 1848, des moyens de représentation des intérêts ouvriers sont inventés et stabilisés, qui engagent toujours d’une manière ou d’une autre l’État : le parti ouvrier, les associations de travailleurs (coopératives, syndicats…), les assemblées représentatives des métiers. Ce processus multiforme de transmutation républicaine des intérêts particulier en intérêt général s’étend ensuite à d’autres intérêts privés, au cours des XIXe et XXe siècles.