Les quarante ans de l'ISSTO tombent à pic ! En 1982 était votée la Loi d'Orientation des Transports Intérieurs, qui fixait la nouvelle politique de l'État en matière de transports 1. La LOTI officialisait plus qu'elle n'annonçait un virage de la politique des transports : celui de la libéralisation économique du secteur. Elle mettait ouvertement fin à la politique de coordination technique entre modes de transport, entamée dans les années mille neuf cent trente et faite de dirigisme économique : partage autoritaire des flux de transports supposant l'existence de quotas de transport, d'autorisations administratives quant aux conditions d'exercice de ces activités, de tarifs réglementés et l'existence d'entreprises publiques bénéficiant souvent d'un quasi-monopole : SNCF, RATP, Compagnie Générale Transatlantique, Air France, Air Inter, Compagnie Française de Navigation Rhénane… L'histoire des quarante dernières années de la réglementation particulière applicable aux travailleurs du transport est celle des contrecoups de cette libéralisation. Mais ce secteur demeure une activité très réglementée où chaque entrepreneur, pourvu qu'il respecte toute une réglementation de sécurité, peut espérer prospérer sur la part des voisins. Et comme en bien des matières, c'est l'Union européenne qui a donné le « la » de cette évolution. Avec l'agriculture, les transports sont dès l'origine le seul secteur devant faire l'objet d'une « politique commune » (Traité de Rome, art. 3,-e et art. 75, §. 1). Mais cette politique, qui est celle de l'établissement d'un marché commun des transports, n'arrivera pas à se concrétiser rapidement. Il faudra un arrêt de 1985 de la Cour de Justice des Communautés Européennes constatant la carence du Conseil européen pour que les choses s'accélèrent 2. Le droit applicable aux travailleurs des transports est une réglementation modale. Il s'agit d'offrir un droit adapté aux spécificités techniques et économiques de chaque mode de transport. Le droit social spécifique, qui se concentre sur les salariés itinérants, vise à favoriser la continuité de l'exploitation, tant afin de faciliter économiquement cette activité que d'éviter des ruptures préjudiciables à la sécurité. Il en résulte partout des assouplissements parfois considérables par rapport à ce que le droit commun du travail exige en matière de durée du travail. Dans le même temps, la sécurité générale des transports impose à tous les travailleurs, dont ceux qui travaillent à titre indépendant, qu'ils aient les compétences professionnelles et bénéficient de conditions de travail telles que cette sécurité ne puisse être compromise. D'où l'existence d'une réglementation professionnelle qui se superpose à la législation sociale visant les seuls salariés : aptitude professionnelle et médicale, description des fonctions, aménagement des postes de travail (cabines, timonerie, cockpit…), limites temporelles aux fonctions de pilotage. De l'Après-guerre à la fin des années mille neuf cent soixante-dix, l'interventionnisme de l'État français s'érode doucement mais demeure. Pour les travailleurs du transport, il s'agit d'une époque de relative stabilité. Faisons un rapide tour d'horizon de cette période, avant de nous pencher sur les évolutions des quarante dernières années.