Burlamaqui est plus connu aux États-Unis d'Amérique (qui pratiquent avec efficacité les checks and balances entre les pouvoirs) qu'en France. Aucun ouvrage ne lui a été consacré depuis des décennies. Cet article tend à réhabiliter un théoricien qui a su se détacher des théories de son époque et chercher la garantie d'un régime démocratique dans l'équilibre des pouvoirs plus que dans leur séparation. Le maître de Genève, disciple avoué de Barbeyrac, reprend quelques années plus tard beaucoup de ses idées pour mettre à bas toute velléité d'absolutisme, même fondée sur le bien public, et condamner fermement le pouvoir absolu et arbitraire. Opter pour la souveraineté limitée n'est pas original au milieu XVIIIe siècle, mais le raisonnement de Burlamaqui le conduit à distinguer d'abord un assemblage de pouvoirs, puis à s'in¬terroger sur les relations de ceux-ci. Il présente une théorie de l'équilibre des pouvoirs entre les différents corps de l'État : « un balancement de puissance [doit les mettre] dans une dépendance mutuelle », créer une dynamique entre eux afin d'en limiter les prérogati¬ves. Ainsi, les Principes du droit politique, dont la rédaction est antérieure à De l'Esprit des lois, annoncent les préoccupations de Montesquieu selon lesquelles « pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Sans vouloir faire de Burlamaqui un penseur politique aussi égal, profond et novateur que Locke ou Montesquieu, il convient donc de lui faire la place qu'il mérite dans l’émergence des théories démocratiques fondées sur l'idée d'équi¬libre effectif des pou¬voirs dans la société.