Cet article s'intéresse à une « situation négligée » de la relation d'enquête en sociologie politique, celle de l'entretien d'opinion comme rencontre sociale. Que fait-on quand on fait parler des gens de politique à partir d'un guide d'entretien ? Fait-on toujours usage de cette technique d'enquête de façon ajustée au programme de connaissance que l'on poursuit ? Peut-on mesurer ce que l'on fait par là à la parole des enquêté-e-s et à leurs opinions ? Enfin, que peut-on inférer de tels propos sollicités par et pour l'enquête ? Ce sont ces « vieilles » questions de la science sociale que cet article repose et, ce faisant, rouvre le débat sur un procédé de fabrication et d'analyse des « opinions » sans doute trop naturalisé chez les sociologues du politique. À partir d'une réanalyse du matériau d'une enquête sur les "perceptions ordinaires de l'Europe", les auteurs proposent de reconsidérer le statut sociologique des entretiens et de la relation d'enquête dans laquelle ils ont été produits... afin de montrer que ces entretiens ne sont pas seulement un instrument d'enregistrement des opinions mais aussi et surtout une épreuve où les enquêté-e-s donnent à voir leurs aptitudes acquises à exprimer en public et (sou)tenir un point de vue politique.