La théorie des conjonctures fluides repose sur une critique forte de l’« illusion étiologique » et sur l’idée d’une autonomie relative des crises par rapport aux conditions de leur genèse. Si elle déplace l’« énigme de la recherche » vers ce qui se passe dans la crise, c’est-à-dire vers ce dont sont faites les logiques de situation critique, elle n’induit pas pour autant l’élision de toute historicité. À partir de deux cas concrets, Mai-juin 68 en France et la crise politique en Côte d’Ivoire, il est possible d’examiner ce qui, dans la théorie élaborée par Michel Dobry, autorise ou invite à intégrer, au titre des « médiations causales » internes à la dynamique de crise, certains éléments du « passé » dès lors qu’il peut être attesté empiriquement qu’ils pèsent sur les calculs, anticipations, perceptions, pratiques des acteurs, donc sur le cours des événements. Partant, est défendue l’idée qu’il est possible d’articuler la théorie des conjonctures fluides à une démarche sociohistorique.