En consultant l'ouvrage L'action publique locale dans tous ses états (L'harmattan 2012), l'affaire semble entendue : l'entrée par la différenciation n'est pas une nouveauté conceptuelle et les indices de différenciation repérés ici ou là accompagnent plus qu'ils ne transforment les évolutions institutionnelles contemporaines. Pour autant, il faut se demander si les travaux réunis dans cet ouvrage collectif ne permettent pas de réouvrir un débat presque séminal, en science politique, concernant la construction du sens dans l'action publique. Depuis quelques années, les universitaires semblent piégés par une course effrénée à l'hyper-spécialisation des approches car la sophistication des outils théoriques et méthodologiques mobilisés pour étudier l'action publique entraine un mouvement de cloisonnement des savoirs et provoque une fragmentation des diagnostics. Dans un contexte académique marqué par la vigueur des concurrences internationales pour l'accès aux financements de la recherche, il semble que les experts renoncent souvent à contextualiser les analyses sur le plan spatial et temporel. On trouve ainsi peu d'enquêtes comparatives qui s'intéressent à la façon dont les individus appréhendent et énoncent localement, c'est à dire dans chaque territoire étudié, ce qui relève pour eux de l'action collective et de l'activité démocratique. Les enquêtes localisées au Canada, en Suisse, en Belgique et en France montrent pourtant, dans leur extrême diversité, à quel point les énoncés de la démocratie sont orientés par une alchimie toujours complexe d'influences localisées. Il reste à comprendre pourquoi l'étude de ces effets de localité, qui pèsent puissamment sur la définition de ce que chacun perçoit comme relevant du dialogue, de la coopération ou de la consultation politiques, reste souvent considérée comme hors sujet sur le plan conceptuel et hors d'atteinte sur le plan empirique.