Pourquoi et comment la formule " action publique territoriale " s'est-elle invitée ces dernières années dans les cercles savants et dans les milieux experts pour qualifier les enjeux de gestion des collectivités locales, mais aussi pour désigner certaines programmes d'action initiés par les Etats et même certaines priorités imposées par l'Union européenne [fonds structurels] ? La " territorialité " de l'action collective évoque-t-elle une rupture de sens par rapport aux notions d'action publique locale, de politiques publiques locales, d'administration locale [administration locale], de pouvoir local, de gouvernement local, de développement local ?... Pour ouvrir cette discussion, sans doute faut-il s'interroger dans une perspective foucaldienne sur ce qui relie " les mots et les choses ", sur le changement des discours au cours du temps, sur les régularités discursives des couches de savoirs qui délimitent ce qu'une époque peut ou non penser. A cet égard, il semble que l'évolution sémantique du local vers le territorial offre un cas intéressant de réenchantement de l'action publique sur les leitmotivs de l'efficacité et de la proximité [proximité] : d'une part la formule semble signifier un mouvement de professionnalisation des interventions publiques directement impulsé par des collectivités locales, d'autre part elle suggère que ces mesures et programmes possèdent un supplément d'âme dès lors que les individus sont au plus près de la décision publique. Il apparaît ainsi que le qualificatif " territorial " véhicule une représentation de l'action publique à la fois performative et vertueuse : c'est la promesse d'une action collective avec plus de responsabilité pour les grandes collectivités locales, une meilleure capacité d'expertise des citoyens sur les décisions publiques et même une vigilance accrue face aux dérives bureaucratiques ou idéologiques. Le terme suggère une conception morale du vivre ensemble où se précisent des croyances précises sur le bien commun.