Les événements dramatiques qui ont secoué l'Europe durant dix années à la suite du démembrement de la Yougoslavie, surtout le dernier épisode retentissant qui a affronté les Serbes et les Albanais pour la paternité de Kosova, ont impliqué l'ensemble de la communauté internationale pour la défense d'un certain modèle de société et de relations entre groupes ethniques. Les opinions publiques en revanche, abasourdies par les bruits médiatiques et intellectualistes, n'ont toujours pas saisi la signification et les raisons du conflit, que tout le monde espère voir finir une fois pour toutes avec ce dernier et final épisode sanglant. Après une introduction sur les caractéristiques de la région définie comme une aire culturelle, ces articles tentent de donner un aperçu historique et géopolitique des Albanais et de leur culture, insistant tour à tour sur la stratification, les particularismes locaux et l'unité culturelle. Ensuite, passant en revue l'histoire du mouvement national et la formation de la nation albanaise au tournant du siècle, ils rendent compte de l'affrontement des nationalismes serbe et albanais qui n'ont pas manqué de s'exacerber à tout moment. Intégrant l'approche anthropologique aux considérations historiques et géopolitiques sur la région et la culture albanaise, ces travaux tentent de renouveler la discussion anthropologique sur l'ethnicité et les relations interethniques, en insistant sur les taxonomies d'identification et la construction des identités sociales. J'ai essayé plus précisément de poser une question qui me paraît essentielle pour la compréhension des phénomènes actuels, à savoir si l'héritage historique et les identités culturelles peuvent raisonnablement, sinon justifier, au moins expliquer les conflits ethniques et le nationalisme, ou au contraire ils servent tout simplement à déterminer et au mieux à rationaliser les relations interethniques entre groupes sociaux.