Comment analyser sociologiquement le processus réformateur ? Comment l'institution judiciaire est-elle réformée ? Ces deux questions ont guidé cette thèse qui porte sur l'étude de réformes de la justice menées ou envisagées dans la décennie 1990 en Belgique, en France et en Italie. La comparaison, qui intervient à deux principaux niveaux (entre projets de réforme au sein d'un même pays et entre pays), ne consiste pas ici en une juxtaposition de monographies. Elle a été conçue comme un moyen de dégager des régularités sociales au niveau infra-national, national et communes aux trois pays, dans le but de caractériser et d'expliquer le processus de production des réformes et de la loi. Cette recherche repose sur l'analyse des débats parlementaires et projets de loi, le dépouillement de la presse généraliste et spécialisée, ainsi que sur la réalisation d'une soixantaine d'entretiens semi-directifs menés avec les principaux acteurs participant au processus de réforme (magistrats, avocats, membres des cabinets des Ministres de la Justice, hauts fonctionnaires ou magistrats détachés au Ministère de la Justice, dirigeants de certaines associations professionnelles et syndicats, membres des Conseils supérieurs, parlementaires et dirigeants de partis politiques).
S'inscrivant dans une perspective de sociologie politique de la justice et de l'action publique, cette recherche part de deux postulats : les recompositions de la justice sont envisagées comme un révélateur des transformations de l'action publique ; la justice est considérée comme une fonction politique. C'est pourquoi la réforme a été conçue comme un processus, une construction sociale et politique, à la fois un mode de changement social et d'expression de l'action publique qui prend notamment la forme d'une loi.
La première partie met en évidence deux principales différences entre les pays qui façonnent le processus réformateur : la place très variable des professionnels du droit dans l'espace public et politique, et les règles du jeu politique. La seconde partie analyse « les réformes en train de se faire » : contextes dans lesquels des entrepreneurs de réforme se mobilisent ; rôle des professionnels du droit ; brouillage des frontières entre politique, administration, justice et expertise ; tension entre technique et politique qui sous-tend le processus de production de la loi. La dernière partie étudie deux principales recompositions de l'institution judiciaire : l'introduction d'une rationalité managériale et le renforcement de formes de contrôle sur la magistrature.