Depuis vingt ans, des travaux en sciences humaines et sociales ont été conduits en France sur le détachement de travailleur·ses agricoles intra et extra-communautaires . Ils ont notamment mis en évidence que les travailleurs détaché.es étaient soumis à une segmentation sociale, spatiale et culturelle. Ces travailleurs sont en outre bien souvent invisibilisés dans les territoires locaux ainsi que cela a été démontré dans des enquêtes longitudinales conduites en Crau, Alpilles et Camargue. Le travail ethno-juridique porte sur l’analyse d’audiences devant les tribunaux judiciaires et s’inscrit dans leur prolongement. L’objectif est de contextualiser les infractions caractérisées par les enquêteurs et magistrats au terme des investigations, mais aussi d’examiner les systèmes de défense adoptés par les gérants et les exploitants français, selon une approche type processuelle d’un « droit en train de se faire » . Quels types d’infractions ont caractérisé les enquêteurs (sociaux, économiques, sanitaires, urbanistiques…), comment prouver l’intentionnalité d’enfreindre et l’entente des contrevenants ? L’observation des modalités d’interlocutions et d’interactions entre les parties aux procès, permet de comprendre ce qui conduit les magistrats à donner sens à leur jugement et à décider d'une peine. Les transcriptions des audiences restituent l'appel des parties, l'instruction, les plaidoiries et les réquisitoires, puis ces notes serrées ont donné lieu à relecture et à « réduction des données » . L’analyse de ces échanges « à dire d’acteurs » montre l’application du droit in vivo, engageant distinctement des notions de légalité, de légitimité et d’illégalisme de part et d’autre de la barre. D’un côté, les professionnels du droit font la démonstration des manquements aux divers codes et, de l’autre les protagonistes (gérants, responsables de fait et entreprises utilisatrices) affirment leurs places dans la « hiérarchie » sociale, économique et politique et se prévalent du respect de leurs obligations.