Entre novembre 2016 et août 2017, la fouille d’archéologie préventive menée dans le centre-ville d’Uzès (Gard) a mis au jour sur 4000 m² un site d’intérêt majeur pour l’Antiquité et le haut Moyen Âge. Située à l’emplacement de l’ancienne gendarmerie, cette fenêtre d’observation a offert la possibilité d’étudier pour la première fois l’évolution d’un quartier de la ville antique d’Ucetia, de sa genèse jusqu’à nos jours. Daté du début du Ier s. av. n.è., l’état le plus ancien évoque de petites unités d’habitation autour de secteurs cultivés, à vocation artisanale ou réservés à l’extraction du substrat rocheux, de part et d’autre de deux axes de circulation. Rapidement, entre 100 et 75 av. J.-C., cette partie de la ville est marquée par le début d’un urbanisme croissant, où des habitations plus structurées côtoient parfois des édifices singuliers, à l’intérieur d’un mur d’enceinte. Vers le milieu du Ier s. av. J.-C., la totalité du site est bâtie. Des domus sont construites le long de plusieurs rues par une main-d’œuvre qui respecte les traditions locales mais recourt à certains savoir-faire d’origines gréco-italiques. L’un de ces édifices, celui de Loukios Kornilos, possède d’ailleurs une pièce de réception pourvue d’un remarquable pavement mosaïqué de 60 m². Autour du changement d’ère, l’ensemble du quartier intra-muros est marqué par la multiplication de constructions et l’apparition de nouvelles rues qui transforment profondément les îlots. Le Haut-Empire voit l’embellissement de quelques demeures, désormais dotées d’atrium. D’autres édifices singuliers, possibles lieux de stockage, apparaissent également, et confèrent à cette partie de la ville une fonction économique, sans doute basée sur le commerce et la redistribution du vin. Après trois siècles de désertion, le quartier fait ensuite l’objet d’un réinvestissement marqué au terme de l’Antiquité par une reprise de l’urbanisme. Le découpage des îlots est conservé et rythmé par d’anciennes rues remises en service. Peu à peu, elles sont bordées par de nouveaux établissements dont certains, qui livrent des dimensions et des installations hors norme à l’échelle du quartier, questionnent sur leur rôle dans l’agglomération. Cette réurbanisation s’accompagne d’un développement religieux de la ville mené à partir du VIe s. par deux prélats « bâtisseurs » Firmin puis Ferréol. L’édification et l’attractivité de plusieurs lieux de culte expliquent le réinvestissement du quartier à cette époque. Délaissés à partir du VIIIe s., les lieux sont désormais situés en périphérie de la ville. À la fin du Moyen Âge, sans doute vers le XIVe siècle, un vaste bâtiment (accueil, stockage…) est néanmoins édifié par-dessus les ruines arasées d’un ancien établissement, tandis qu’à proximité, des fronts de taille attestent d’une nouvelle phase d’exploitation du substrat calcaire. Au début du XVIIe s., lors de conflits religieux, les parcelles sont réquisitionnées pour servir à l’installation des fortifications de Rohan (murs et fossés). Deux secteurs funéraires sont attestés ensuite aux XVII-XVIIIe siècles à deux endroits distincts, avant de céder finalement leur place aux bâtiments de la gendarmerie édifiée au début du XXe siècle.