SAISIE : Un réseau de linguistes pour comprendre le langage autrement

Créé en mai 2014, le réseau SAISIE (Signifiant, Analogie, Interlocution, Sémiogenèse, Incarnation, Enaction) a rassemblé des chercheurs passionnés par une vision novatrice du langage. Lancé par Philippe Monneret (Université Paris 4-Sorbonne) et Didier Bottineau (encore au CNRS / LDI – Paris 13 à l’époque), ce collectif se donne alors pour objectif de réunir des linguistes parfois isolés dans leurs institutions mais partageant des intérêts communs. Leur ambition? Explorer le langage comme une activité humaine enracinée dans le corps, l’interaction sociale et l’évolution historique.

Une approche qui déménage

Le réseau SAISIE propose une perspective radicalement différente de la linguistique classique. Ses membres s’intéressent à des thèmes tels que la submorphémie (les éléments signifiants au-dessous du niveau du morphème), le rôle du corps dans la production du langage, ou encore les dynamiques émergentes du sens lors des interactions verbales. Ils revisitent alors des notions fondamentales comme celle de l’arbitraire du signe, à travers des approches moins formelles et plus naturalistes, qui mettent en lumière les liens entre le langage, le corps et l’expérience humaine.

Des événements pour fédérer les recherches

Au cours de son existence, SAISIE a organisé plusieurs rencontres scientifiques, dont voici les temps forts :

• 27 mai 2014 – Journée inaugurale à Dijon: Cette première rencontre a posé les bases du réseau en identifiant les thématiques communes et les méthodes partagées. L’objectif était clair: créer un espace pour des chercheurs partageant une vision d’ensemble sur le langage en tant que processus incarné et interactif. Les présentations ont exploré des thèmes allant de la sémiogenèse aux dynamiques analogiques dans le langage.
• 26-27 mars 2015 – Colloque SAISIE-2 à la Sorbonne Nouvelle: Cette rencontre, co-organisée avec l’UMR Modyco et l’UMR LDI, s’est centrée sur la submorphémie lexicale et grammaticale. Les discussions ont porté sur la manière dont certains éléments du langage portent une cohérence sémantique à un niveau très fin, questionnant ainsi l’idée que tous les signes linguistiques sont arbitraires.
• 1-3 juin 2016 – Colloque LANGENACT-1 à Clermont-Ferrand: Dédié à “Langage et énaction”, cet événement a approfondi les théories de l’énaction, qui conçoivent le langage comme une activité enracinée dans l’interaction et le mouvement corporel. Des intervenants internationaux ont débattu sur les liens entre cognition incarnée et structuration linguistique.Les participants ont exploré des questions cruciales telles que le rôle de l’expérience corporelle et sensorimotrice dans l’émergence du langage, les dynamiques sociales de la production du sens, et les processus d’interaction qui façonnent les structures linguistiques.Un numéro spécial de la revue Intellectica (n°68, décembre 2017), intitulé Langage et énaction: corporéité, environnements, expériences, apprentissages, a également consolidé certaines collaborations issues de ce colloque.

Les grandes thématiques de SAISIE

1. La submorphémie
La submorphémie explore les unités significatives inférieures au morphème. Par exemple, des phonèmes ou des groupes consonantiques peuvent révéler des schémas de sens récurrents, comme en anglais avec le groupe sw (“swing”, “sweep”) qui évoque une notion de mouvement. Des études comparatives ont inclus des exemples issus de langues sémitiques et amérindiennes.

2. L’incarnation du langage
Le réseau met l’accent sur la manière dont le langage émerge des interactions entre le corps, l’esprit et l’environnement. Le langage n’est pas un système abstrait, mais une activité enracinée dans l’expérience humaine. Les discussions ont souvent intégré des données issues des neurosciences et de la psychologie cognitive.

3. L’analogie et la sémiogenèse
Les chercheurs explorent la façon dont les relations analogiques entre formes linguistiques et significations participent à la génération du sens, mettant en lumière les processus d’émergence des signes linguistiques. Les travaux se concentrent sur les langues indo-européennes et leurs évolutions historiques.

4. L’interaction
Les études de SAISIE valorisent les dimensions sociales du langage, analysant la façon dont les interactions verbales co-construisent le sens et influencent les systèmes linguistiques. Des analyses de corpus dialogiques ont été réalisées pour mieux comprendre ces mécanismes.

5. L’interlocution
Pour SAISIE, l’interlocution n’est pas un simple cadre de communication mais une dynamique centrale dans la structuration des langues. On met ainsi en lumière le rôle fondamental de l’Autre dans la genèse des formes et contenus linguistiques, ce qui permet de dépasser la dichotomie langue/discours en montrant que les structures langagières émergent de l’interaction, intégrant systématiquement les paramètres relationnels et contextuels.

Pourquoi SAISIE a été unique ?

SAISIE s’est distingué par son approche interdisciplinaire et ouverte. En croisant linguistique, psychologie cognitive, études de l’incarnation et sciences sociales, le réseau a créé des ponts entre des champs souvent cloisonnés. Il a offert une plateforme pour repenser les bases de la linguistique, en plaçant les humains, leur corps et leurs interactions au cœur de l’analyse.

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