"Les nouveaux traités de libre-échange de l'Union européenne face au défi climatique"
Résumé
This chapter examines the coherence of the EU's efforts to promote a climate-sustainable agricultural model, while at the same time negotiating free-trade agreements aimed at ever greater economic liberalization. I demonstrate that behind the EU's stated desire to conclude trade agreements that promote sustainable development, it is unable to move away from the liberal paradigm inherited from the WTO agreements and, before them, the GATT of 1947. The analysis shows that, on the one hand, the EU's free-trade agreements can be an obstacle to the adoption of ambitious health and environmental policies and, on the other, that these treaties do not protect European agricultural products from competition from foreign products that benefit from “normative dumping” due to less stringent environmental and health regulations in many of Europe's trading partners. The analysis focuses in particular on the issue of “mirror clauses”, which have given rise to considerable controversy in legal terms (notably because they could lead to a resurgence of “environmental protectionism”), but also from a political and economic point of view (they could be perceived as a form of new normative imperialism). The article concludes that EU free-trade agreements need to be radically reformed to better adapt to market realities, where the level of normative constraint in the fields of environmental and health protection must be taken into account when assessing the competitive relationship between goods from different agricultural models. In our view, the most appropriate solution would be to adopt an “agricultural exception” that would remove agriculture from the ambit of common free-trade law, in order to rebuild more targeted partnerships based on the imperative of food security.
Ce chapitre interroge la cohérence de l’action de l’UE qui cherche à promouvoir un modèle d’agriculture climato-durable tout en négociant des accords de libre-échange dont l’objectif est la libéralisation toujours plus poussée de l’économie. Je démontre que derrière la volonté affichée de conclure des accords commerciaux vecteurs de développement durable, l’UE ne parvient pas à se départir du paradigme libéral hérité des accords de l’OMC et avant eux du GATT de 1947. L’analyse montre, d’une part, que les accords de libre-échange conclus par l’UE peuvent constituer un obstacle à l’adoption de politiques sanitaires et environnementales ambitieuses et que, d’autre part, ces traités ne permettent pas de protéger les produits agricoles européens de la concurrence de produits étrangers qui bénéficient d’un « dumping normatif » en raison de réglementations environnementales et sanitaires moins contraignantes chez de nombreux partenaires commerciaux de l’Europe. L’analyse s’intéresse en particulier à la question des « clauses miroirs » qui suscitent d’importantes controverses en droit (notamment du fait qu’elles peuvent permettre la résurgence d’un « protectionnisme environnementale »), mais aussi d’un point de vue politique et économique (elles peuvent être perçues comme une forme de nouvel impérialisme normatif). L’article conclut à la nécessité de réformer en profondeur les accords de libre-échange de l’UE pour mieux s’adapter aux réalités du marché où le niveau de contrainte normative dans les domaines de la protection de l’environnement et de la santé doit être pris en compte dans l’appréciation du rapport de concurrence entre des marchandises issues de modèles agricoles différents. La solution la plus adaptée nous semble être l’adoption d’une « exception agricole » qui soustrait l’agriculture au droit commun du libre-échange, pour reconstruire des partenariats plus ciblés reposant sur un impératif de sécurité alimentaire.