Cette conclusion revient sur plusieurs implications des analyses menées au fil des chapitres quant aux transformations des modes de domination politique dans les sociétés contemporaines. Questionner les manières par lesquelles s'exerce le pouvoir est une entreprise intellectuelle classique en sciences sociales. En effet, Max Weber s'interrogeait dès le début du XXème siècle : « de quelles manières les forces politiques dominantes s'y prennent-elles pour affirmer leur autorité ? Cette question concerne toutes les espèces de domination et par conséquent elle vaut également pour toutes les formes de domination politique » (Weber, 1993, p. 104). Néanmoins, historicité du phénomène oblige, cet ouvrage collectif ambitionne de renouveler les regards portés sur ces questions en prenant au sérieux l'état (variable) de différenciation structurale des sociétés pour mieux saisir les rouages de la domination politique ou, mieux, les reconfigurations des phénomènes d'intermédiations rendant possible les relations asymétriques qui se jouent continuellement entre les gouvernants et les gouvernés. L'intermédiation politique, comme processus non réductible aux activités intentionnelles des gouvernants, constitue une condition fondamentale de l'exercice du pouvoir politique dans les sociétés différenciées et implique, par là même, une réflexion sur l'agencement des champs ou espaces sociaux et son évolutivité historique. La conjoncture contemporaine présente, au-delà de la variabilité des contextes, des singularités à l'échelle globale. D'une part, on le rappelle, les champs politiques tendent dans un grand nombre de sociétés à être caractérisés par une autonomisation accrue à l'égard d'autres espaces sociaux. D'autre part en Europe comme ailleurs, la complexification historique des sociétés -c'est-à-dire la démultiplication d'espaces sociaux de plus en plus divers, potentiellement autonomes et au moins partiellement autoréférentiels -rend l'emprise du politique sur ces espaces toujours plus compliquée, voire dans bien des cas improbable. Dans un tel contexte, la perspective relationnelle proposée dans ce livre autour des transformations des modes de domination politique sous l'angle des intermédiations permet de faire converger des agendas de recherches disséminés dans différentes sous-disciplines des sciences sociales du politique (analyse des politiques publiques, études de participation, sociologie des mouvements sociaux, études électorales, etc.).