État des lieux des caractéristiques des AESH à l’école : une identité professionnelle marquée par le « sale boulot »
Résumé
Notre recherche en sciences de l’éducation et de la formation fait un état des lieux (toujours partiel et non exhaustif) des caractéristiques des personnels dédiés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap (ESH) à l’école. Autrefois appelées auxiliaires de vie scolaire (AVS) et devenues aujourd’hui accompagnantes des élèves en situation de handicap (AESH), cette profession largement féminisée répond à une politique publique d’inclusion scolaire en décalage avec la réalité de leur situation professionnelle marquée par des conditions d’emploi précaires, un statut peu reconnu, un métier peu rémunéré et des tensions avec l’institution et/ou avec le corps enseignant (Barthélémy, 2014 ; Maguet et Panissal, 2019).
Dans quelle mesure les AESH participent-elles à la dynamique inclusive affichée et prescrite par le ministère de l’Éducation nationale ? Comment s’exprime aujourd’hui l’identité professionnelle des AESH (Blin, 1997) ? Selon quelles dimensions s’organisent leurs pratiques professionnelles ? Comment se caractérise leur exercice professionnel (déclaré) en contexte ?
Le dispositif méthodologique mobilisé est celui d’une enquête par questionnaire diffusée en France au printemps 2023 auprès de plusieurs dizaines de milliers d’AESH en activité (inscrites sur une liste de diffusion en ligne) et qui a recueilli 716 participations. Un tri à plat et une analyse thématique de contenu pour les réponses aux questions ouvertes (Bardin, 2003) permettent de traiter quantitativement et qualitativement notre corpus. Les éléments généraux de caractérisation socio-biographique des AESH permettent de renseigner le profil de l’échantillon en termes de genre (majoritairement féminin), d’âge (moyenne : 45 ans) et de parcours (niveau d’étude souvent bac ou post-bac, avec de nombreuses reconversions professionnelles).
Les résultats de notre enquête font apparaître une réalité actuelle du métier largement organisée autour de :
• la dimension coopérative/collaborative du travail avec l’enseignante qui est jugée « très bonne » pour 70 % des AESH interrogées (même si des difficultés s’expriment en termes de reconnaissance et d’intérêt pour leur travail) ;
• la relation pédagogique à l’élève qui est jugée satisfaisante pour 55 % des AESH interrogées ;
• la formation (à la relation professionnelle avec l’enseignante et à la relation pédagogique avec l’élève) qui est souvent jugée « pas adaptée » ou « pas utile ».
Nos résultats confirment également une insatisfaction généralisée des AESH au travail, ce qui permet d’illustrer une identité professionnelle des AESH largement marquée par le « sale boulot » (Lhuilier, 2005) de ces travailleuses subordonnées de l’école : manque de reconnaissance (statutaire et financière), manque de temps, manque de formation participent de la précarisation de ce métier de l’humain et constituent des freins au développement professionnel des AESH. La contingence des difficultés qui se posent au niveau de la relation pédagogique et didactique cristallisent aussi les problèmes posés par l’état de division du travail éducatif dans son ensemble (du primaire au secondaire).