La Tour des Lautrec de Vielmur-sur-Agout est un édifice des XIIIe-XIVe siècles flanqué à l’ouest de l’église de l’ancienne abbaye Notre-Dame de la Sagne, réputée avoir été fondée dans le premier tiers du XIe siècle par les vicomtes de Lautrec. Elle fait l’objet de fouilles archéologiques programmées depuis 2015, organisées sur le modèle d’un chantier-école accueillant chaque année 6 à 8 étudiants. Après une année d’interruption en 2020 et la reprise des fouilles en 2021, le chantier de 2022 scelle la deuxième campagne de fouilles triennales. Cette tour, répartie sur deux niveaux, présente la particularité d’être composée d’une salle funéraire au rez-de-chaussée, surmontée d’une salle seigneuriale. Comme les années précédentes, la fouille s’est attachée à l’inspection de la salle basse, enrichie cet été par l’analyse du bâti des élévations du premier étage (environ 100 m²), intégralement décroûtées à l’occasion de travaux de réhabilitation aux niveaux supérieurs. Sur le temps des deux programmées, 23 structures funéraires ont été identifiées : six enfeus, huit caveaux, six tombes individuelles et trois structures indéterminées dont probablement deux autres caveaux. Parmi celles-ci, sept ont été intégralement fouillées (un enfeu, trois caveaux et trois tombes) et dix ne peuvent être inspectées pour des raisons techniques (prises sous les bermes) ou de sécurité (risque de fragilisation de l’édifice et/ou implantation trop profonde, à moins de mettre en place des blindages). Enfin, cinq caveaux avaient volontairement été mis de côté pour ne pas laisser de structure en cours de fouilles au terme de la deuxième triennale. Cependant, des travaux sur les canalisations fixées au plafond de la pièce ont endommagé la surface de quatre d’entre-eux. En concertation avec le Service régional de l’Archéologie, outre l’achèvement prévu de la fouille d’un caveau (SEP 404) et d’un silo (FOS 420), les niveaux supérieurs des trois caveaux ouest ont donc été écrêtés (SEP 417 à 419), avec pour consigne de ne pas atteindre les inhumations primaires, mais de seulement mettre en évidence les contours des maçonneries sur deux assises de briques des deux premiers. Seul le troisième caveau, le plus au sud, devait être fouillé au maximum car l’absence de paroi méridionale en fragilisait davantage la stratigraphie. Les éléments de chronologie relative ne remettent pas en cause les datations avancées les années précédentes, sauf pour les caveaux sud-est, dont l’occupation s’avère plutôt précoce, peut-être dès le milieu du XIIe siècle, donc possiblement avant la construction de la tour. Le reste de la chronologie demeure inchangé, à savoir un édifice construit dans la même séquence que les caveaux, entre la seconde moitié du XIIIe et le début du XIVe siècle. Les ca¬veaux semblent occupés dès leur édification et ce jusqu’au début du XVe siècle, avec un prolongement de l’occupation funéraire dans la seconde moitié de ce siècle pour les tombes individuelles de la moitié sud. À l’étage, l’analyse du bâti confirme la présence dans le mur ouest d’une cheminée intégrée à la maçonnerie de briques, encadrée de deux fenêtres à arc en tiers-point. Le niveau de plancher qui lui est associé se situe un mètre au-dessus du plancher actuel, édifié sur une série de corbeaux (bûchés) encastrés dans la maçonnerie de pierres contemporaine des enfeus. Un piédroit et le départ d’un arc segmentaire indiquent sans doute l’emplacement de la porte d’entrée, près l’angle sud-ouest. L’espace entre les trous de poutre et la partie inférieure des piédroits indique un aménagement du sol d’environ 0,30 m d’épaisseur, laissant la place pour un à deux niveaux de solives ou un plancher surmonté d’un éventuel sol maçonné. En face, le mur mitoyen avec l’église a été reconstruit au XIXe siècle et ne contient pas de remplois remarquables (seulement des moellons sans moulure). Mais plus au sud, au-delà de l’emprise de l’église moderne actuelle, le mur présente les vestiges d’un appareil de petits moellons avec une chaîne d’angle en grand appareil tout à fait compatible avec les XIIe-XIIIe siècles, suggérant que l’église médiévale était d’une largeur équivalente à celle de la tour. Dans la pièce inférieure, onze individus supplémentaires en position primaire ont été mis au jour, dont dix dans le caveau SEP 404 (dont la fouille a été achevée), et un dans le caveau SEP 419, nouvellement ouvert. Cet effectif représente dix adultes parmi lesquels on compte trois hommes et quatre femmes. De même que les années précédentes, plusieurs individus portaient une bague à chaton. Des éléments de passementerie tissés aux plaquettes ont de nouveau été mis au jour contre trois crânes, suggérant la présence d’éléments de parure liés à une coiffure et/ou un voile. Si jusqu’en 2021 les inhumations dans les caveaux semblaient assez standardisées, avec des dépôts contraints dans des enveloppes souples déposés sur des brancards, sans apport de terre (sauf sur le dernier sujet inhumé), l’achèvement de la fouille du second caveau sud-est témoigne de la présence de deux coffres de bois parmi les premières inhumations, qui ont servi à des dépôts doubles. Ces probables cercueils sont associés à la présence équilibrée d’hommes et de femmes, ainsi que d’un enfant (5-14 ans) et confirment une gestion bien distincte d’une structure funéraire à l’autre. En effet, jusqu’à présent, les femmes dominaient la population sexée et des cercueils n’avaient été mis en évidence que dans les tombes individuelles et dans une réutilisation tardive du caveau mitoyen. Or, ces deux caveaux se distinguent par leur ancienneté et par leur construction encastrée sous le mur ouest de l’église ; ce qui pourrait indiquer des tombes particulières – mais dont le mobilier ne se singularise pourtant pas. Enfin, la fouille d’une moitié de silo pris dans la berme sud a révélé ses grandes dimensions : ovoïde, d’1,70 m de large pour plus de 2 m de profondeur (sa fouille a dû être interrompue). Il semble avoir été comblé peu de temps avant l’aménagement de la tombe qui le traverse, ce qui prive d’éléments pour le dater. Comme les autres fosses mises au jour dans cette partie de l’aire de fouilles, ces silos sont supposés être antérieurs à l’occupation funéraire, mais certains ont pu coexister avec les premières inhumations. Encore une fois, ces observations invitent à poursuivre les investigations afin de vérifier les permanences et singularités dans la gestion de l’espace funéraire selon les structures. Mais dans l’immédiat une année de pause est envisagée avant d’engager une troisième triennale. Elle devrait être mise à profit par la publication d’un article dont la rédaction est restée inaboutie depuis 2018.