Marcel Pagnol entretient un rapport paradoxal à la république locale des lettres : monté à Paris, il débute sa carrière en fuyant Marseille, en effaçant les références à ses origines méridionales. Contrairement à Jean Giono qui choisit d’évoluer hors des cercles parisiens, l’écrivain marseillais est dans les années 1920 « un traître à son Midi » ou un « déraciné ». Sa volonté d’un accomplissement littéraire, qui nécessite l’intégration dans les réseaux de la capitale, entre en tension avec l’inspiration locale qui pourrait restreindre la portée éditoriale de son œuvre. Aussi devient-il ce transfuge qui cherche à raccommoder deux mondes, celui de la paysannerie provençale, des classes populaires marseillaises d’un côté, et de l’intelligentsia parisienne de l’autre. L’appropriation d’un capital culturel le tient toujours à distance du pays natal. Ses réseaux littéraires et cinématographiques, qui ne tranchent pas entre Paris et la province, sont autant d’indices de ce choix de l’entre-deux. Ainsi, nous montrons combien Marcel Pagnol se définit de façon double comme un « absent toujours présent aux rives natales ».