Dans le cadre du projet d’aménagement d’une bibliothèque et d’un scriptorium dans le bâtiment dit du « tinal » de l’abbaye Sainte-Marie de Boulaur, une demande anticipée de diagnostic a été déposée. L’abbaye de Boulaur est un prieuré fontevriste de la première moitié du XIIe siècle, converti en abbaye cistercienne au milieu du XXe siècle. Aucun bâtiment contemporain de la fondation ne semble avoir subsisté, l’édifice le plus ancien conservé étant l’église, qui ne paraît pas antérieure au début du XIVe siècle. Par analogie avec l’appareil alternant assises de briques et de pierres des parties supérieures du sanctuaire, le bâtiment oblong du tinal, construit avec des maçonneries similaires, une douzaine de mètres au nord du chevet, est réputé dater de la même époque. Il revêt donc un enjeu particulier pour connaître l’histoire médiévale du monastère, non documentée par les sources ni par l’archéologie, puisque deux diagnostics réalisés à ses abords en 2019 et 2021 n’avaient livré quasiment aucun vestige. De plus, au début des années 2020, les religieuses ont pratiqué des sondages à l’intérieur de la pièce, mettant au jour un gros massif circulaire portant des empreintes de briques contre l’angle intérieur nord-est de la pièce. Le diagnostic archéologique avait donc pour double objectif de réaliser des investigations à l’emplacement des sondages géotechniques nécessaires au projet de travaux, envisagés dans et autour du bâtiment, ainsi que de sauvegarder les informations mises au jour sans autorisation préfectorale. L’arrêté de prescription no 76-2023-1174 du 17 novembre 2023 porte ainsi sur le tiers nord de la parcelle no B 585 sur laquelle s’élève le tinal et sur une bande de 15 m en avant de celui-ci, à l’est, en formant une encoche dans la parcelle no B 259. Il ne concerne que le sous-sol, sans analyse du bâti, même si un phasage sommaire de la construction a été nécessaire pour la mise en perspective des données. En accord avec le Service régional de l’archéologie et la maîtrise d’œuvre des travaux, trois sondages ont été réalisés à l’intérieur du bâtiment et un autre à l’extérieur, totalisant une surface de 24,20 m², soit 11,5 % de la surface prescrite, une fois déduites les contraintes des passages, des constructions adventices et du potager, non concernés par les forages géotechniques et qu’il n’était pas souhaitable d’endommager. Réalisé pendant sept jours, du 8 au 16 avril 2024, ce diagnostic a révélé à l’intérieur du bâtiment des niveaux médiévaux présents presque immédiatement sous le sol actuel (entre 0 et 0,45 m, soit 199,35 et 199,80 m ; altitudes exprimées en mètres NGFIGN69), très stratifiés et présentant un important pendage vers le nord (1,60 m de stratigraphie audessus du terrain naturel au sud et 2,50 m au nord). Le substrat, constitué par une molasse argileuse observée très localement, a été atteint entre 197,27 m au nord-est et 198,26 à 198,58 m au sud-ouest. Les occupations qui le recouvrent sont cependant difficiles à caractériser, même si ce qui pourrait être un bâtiment excavé construit en bois et en terre crue a été mis au jour dans la partie sud-ouest de l’édifice (sondage 1, son effondrement apparaît dès un mètre de profondeur, à 198,85 m). Il est représenté par un niveau de bois carbonisés qui évoquent une ossature ou une charpente incendiée, datée au carbone 14 entre le milieu du XIIe et le milieu du XIIIe siècle (analyse Beta Analytic : Beta-695878 ; la datation correspond à l’abattage du bois). Vers le nord, ce bâtiment n’a pas été retrouvé, mais deux pilettes en briques ont été découvertes à une altitude assez proche (198,93 m, 0,90 m sous le sol actuel), installées sur une succession de remblais intercalés avec au moins un niveau de circulation ou de piétinement (sondage 2). Peu de mobilier a été collecté dans ces deux sondages, mais l’ensemble de la céramique, toutes séquences confondues, représente un lot homogène qui pourrait être attribué au début du XIVe siècle. Des fragments de poteries comparables ont été collectés contre le mur est, à différentes profondeurs de la stratigraphie (sondage 3). La succession des couches est bien moins complexe que du côté ouest, ce qui suggère deux occupations distinctes. En effet, du côté ouest, hormis la couche supérieure contemporaine, le mur du tinal traverse en tranchée aveugle toutes les US, alors qu’à l’est, le mur oriental paraît réutiliser une maçonnerie antérieure contre laquelle semblent s’appuyer toutes les US mises au jour : il s’agit donc ici plus vraisemblablement d’une tranchée ouverte sur une largeur qui excède celle du sondage (1,20 m). Le ressaut de fondation du mur primitif y a été mesuré à 197,83 m (soit à 1,90 m de profondeur). Enfin, à l’extérieur, le quatrième sondage a été ouvert au pied de la tour des latrines greffée contre l’angle nord-est du tinal, probablement au XVIIe siècle. Seul un épais remblai contemporain a été dégagé ; il recouvrait une canalisation en briques aménagée ultérieurement pour permettre la vidange de la tour. Il s’agit du seul élément de l’époque moderne révélé par les fouilles, les autres aménagements des XVIe-XIXe siècles n’étant identifiables que dans les maçonneries et le soubassement circulaire en briques déjà dégagé par les sœurs à l’angle intérieur nord-est du bâtiment. Il correspond probablement au fond d’une cuve mentionnée dans l’inventaire de l’abbaye lors de sa vente comme bien national.