Après avoir montré comment développer la dimension temporelle et partir ainsi à la recherche du temps perdu, il reste à évoquer la question centrale de la transmission entre les individus, les groupes, les générations, sur des durées courtes, moyennes ou longues (différentes selon les espèces), donc des mécanismes qui permettent au temps de n'être pas simplement le lieu des différenciations spatiales mais un facteur important de celles-ci et des variations temporelles. La question avait été soulevée ou effleurée, à la fin du XVIII e siècle et au XIX e siècle, par les naturalistes de la perfectibilité ou du transformisme, mais vite mise de côté du fait de l'impossibilité à répondre, puis elle avait été délaissée, parce que jugée sans intérêt, par le behaviorisme et l'éthologie classique. Il est maintenant possible d'avancer des explications et des auteurs l'ont fait au fil des contributions 1 . Toutefois, nous en sommes souvent au stade des hypothèses, des interrogations, des discussions en raison de l'état encore insuffisant de la génétique ou des neurosciences, et de l'oblitération fréquente du temps, limitant les réflexions et les études. Qu'elle soit adaptation obligée ou ajustement choisi, une modification comportementale semble être le résultat de trois possibilités. La réactivation d'une compétence autrefois utilisée, ensuite inhibée tout en restant inscrite dans le patrimoine génétique. Ou bien une invention à partir des potentialités biologiques de l'espèce. Ou encore une véritable innovation, supposant peut-être une modification épigénétique ou génétique, et créant un ajout au répertoire comportemental mais dans le cadre biologique de l'espèce. Initialement, la nouvelle attitude est souvent le fruit d'un individu. Elle peut être perdue avec lui s'il n'y a pas transmission, être transmise à quelques individus du même groupe et/ou de la même génération puis disparaître, ou, d'une manière plus forte, à des groupes entiers dans l'espace, voire à l'espèce, et à plusieurs générations temporelles. Le tout dépendant des individus, de leurs capacités et de leur statut social, de la structuration du groupe, de la nature du comportement, simple ou complexe. Si les modifications sont importantes et à multiples facettes, cela peut entraîner, à plus ou moins long terme, la création de variétés dans une espèce, par dérive comportementale, voire à plus long terme, une nouvelle espèce, par transformation forte du génome. Restons-en aux modifications plus faibles, n'entraînant pas cette dernière conséquence, maintenant les individus à l'intérieur d'une espèce. La transmission temporelle semble alors assurer par plusieurs canaux : l'observation et l'imitation des adultes par les jeunes avec