Introduction Les médecines alternatives et complémentaires (MACs) constituent un ensemble de pratiques très variées non reconnues par le système de santé conventionnel mais de plus en plus utilisées par les patients cancéreux (cf tableau). Toutefois peu de données existent dans la littérature concernant les MACs et les cancers digestifs, et encore moins en France. Les objectifs de cette étude étaient d’évaluer l’utilisation des MACs en cancérologie digestive, de déterminer un profil clinico-sociopsychologique des patients y ayant recours et d’en mesurer l’impact sur leur qualité de vie. Patients et Méthodes De juillet 2018 à Avril 2019, 330 questionnaires destinés à tous patients atteints d’un cancer digestif métastatique sous chimiothérapie, ont été adressés à 7 centres de soins publics et privés afin d’évaluer l’utilisation des MACs. Leurs motivations, leur statut socio-économique, psychologique et leur qualité de vie (questionnaire standardisé de l’European Organization for Research and Treatment of Cancer, EORTC QLQ-C30) ont été comparés à ceux des patients non utilisateurs. Résultats Au total, 165 patients (100 hommes, âge moyen 67 ± 10.7 ans) ont été inclus dont 66 (40%) ayant recours aux MACs. Les patients utilisateurs sont significativement plus jeunes (65 ± 11 vs 69 ± 10,1 ans, p = 0.01) majoritairement féminins (32/66, 48 % vs 33/99, 33 %, p = 0.05), plus souvent dans la vie active (22/66, 34% vs 19/99, 19%, p = 0.04) malgré un IMC < 20 kg/m2 significativement plus fréquent (18/66, 29 % vs 10/99, 11 %, p = 0.02). Les 2 principaux cancers sont les cancers intestinaux (78, 47 %) et bilio-pancréatiques (57, 35 %) sans différence significative entre les 2 groupes (p = 0.14). Le nombre de protocole de chimiothérapie est significativement plus important dans le groupe utilisateur (1.09 ± 1.08 vs 0.65 ± 0.96, p = 0.01) avec davantage de patients traités par radiothérapie (19/66, 29 % vs 12/99, 12 %, p = 0.01). 51% des patients utilisateurs de MAC abordaient d’euxmêmes le sujet avec leur cancérologue. En revanche, seulement 23 % des patients inclus ont été interrogés par leur médecin à ce sujet, et les patients utilisateurs de MACs étaient davantage interrogés par leur cancérologue (22/66, 34 % vs 15/99, 15 %, p < 0.01). En analyse multivariée, le recours aux MACs était significativement associé à l’utilisation de MACs avant le diagnostic de cancer, à la présence d’un entourage donnant des conseils, à un nombre élevé de lignes de chimiothérapie, au recours à la radiothérapie et au fait d’avoir été questionné par son oncologue à ce sujet. Aucune différence de qualité de vie n’a été retrouvée entre les 2 groupes. Conclusion Cette première étude française clinico-socio-psychologique montre que le recours aux MACs est fréquent en cancérologie digestive avec un patient sur deux qui en informe leur médecin et un profil proche de celui décrit dans les autres cancers. Ces résultats nous encouragent à réaliser des études prospectives pour mieux comprendre les effets des MACs notamment sur la qualité de vie, afin d’accompagner nos patients via une pratique intégrative encadrée et sécurisée, alliant une médecine traditionnelle académique et les MACs. Remerciements, financements, autres Nous remercions les docteurs Louis d’Alteroche, Benjamin Anon, Julie Auzoux, Mélodie Elizondo, David Fallik, Emma Ferrand, Dany Gargot, Bénédicte Hallé, Anaïs Jaillais, Elodie Lucas, Charlotte Nicolas et David Regnault pour leur participation dans cette étude. Financement: aucun.