En 1550, Nicolas Bargedé fait paraître quatre recueils poétiques qui témoignent du réseau social dans lequel il s’inscrit ou entend s’inscrire et qui offrent des pièces, souvent obscures, empreintes d’une profonde spiritualité (voir notices Scripta Manent dédiées). En examinant de plus près la place faite dans ces recueils aux femmes de tous âges, vivantes ou mortes, puissantes ou non, l’étude montrera que l’un des moteurs de la création du « Moins que rien » tient à son expérience du deuil d’une enfant de neuf mois, la petite Marguerite, que sa femme et lui viennent de perdre. L’écriture, qui explore obsessionnellement la mort chez les puissants, de la famille royale à celles du Nivernais, qui répète à l’envi les raisons de croire pourtant en l’immortalité – motto du poète – et qui va jusqu’à redonner voix à plusieurs défuntes, construit avec pudeur, sur un mode spiralaire, de voies/voix détournées en voies/voix détournées, la possibilité sinon d’exprimer tout au moins d’évoquer un chagrin plus intime, et au fond indicible. Ce faisant, Nicolas Bargedé offre une très délicate consolation à la mère de Marguerite et, esquissant des figures de fillettes ou de femmes, dessine parallèlement une figure d’homme aimant sa femme et son nourrisson, souffrant, fragilisé – assez loin en somme des stéréotypes de virilité triomphante.