Une voix n’apparaît jamais autant dans sa matérialité sonore que lorsqu’on ne la comprend pas, sans pour autant qu’elle soit alors réduite à son « bruissement », à une pure musicalité. Dans la plupart des émissions journalistiques, une voix étrangère se voit très vite recouverte de sa doublure sonore, celle qui la traduit : elle reste perceptible en-dessous, mais l’oreille ne parvient plus à l’entendre vraiment. Dans les quatre documentaires poétiques étudiés ici, œuvres d’écrivains-voyageurs et professionnels de la radio prises ici comme jalons dans l’histoire de la création radiophonique, les voix étrangères se déploient au contraire en de longues séquences libres de toute traduction. Ainsi confronté à des paroles dont le sens linguistique lui échappe, c’est à une autre forme de compréhension, plus sensible qu’intellectuelle, qu’est convié l’auditeur. Il en va de la relation à l’Autre comme à Soi-même, de voyages réels aussi bien qu’imaginaires et intérieurs.