L’historiographie des bagnes de Guyane a eu tendance à interroger cet espace au prisme de sa relation avec la métropole, excluant de fait les transportés et relégués coloniaux. Or, la loi du 30 mai 1854 sur l’exécution de la peine des travaux forcé s’applique également à l’empire coloniale, la population pénale fut donc plurielle. Au cours de l’entre-deux guerres, alors que la fermeture du bagne est sur toutes les lèvres, la révolte de Yên Bái sert de prétexte à la création de trois établissements pénitentiaires spéciaux (EPS) au cœur de l’hinterland guyanais. Afin de relancer son projet colonial en Guyane, la IIIe République puise dans les troubles révolutionnaires d’Indochine pour justifier la création, en juin 1930, du Territoire autonome de l’Inini auquel il adosse, dès 1931, les EPS de Saut-Tigre, Crique-Anguille et la Forestière réservés exclusivement aux « individus d’origine indochinoise condamnés par les différentes juridictions de l’Indochine ». (Décret du 22 janvier 1931). Les conditions de travail dans ces EPS sont dures, les décès nombreux. Clef de voûte du maintien de la domination coloniale, le territoire guyanais devient aussi le théâtre de la résistance quotidienne des oubliés de Yen Bai. Après avoir retracer le contexte historique de création des EPS de l’Inini, nous analyserons en quoi ces derniers peuvent être considérés comme un paradigme carcéral en contexte colonial.