Jolivet s’est assez peu exprimé sur son rapport au jazz. Quelques indices (les plus consistants) pointent néanmoins vers une influence possible de Louis Armstrong, dont la technique et le style ont pu imprimer une marque discrète sur le Concertino (1948) ou le Concerto pour trompette (1954), et, au-delà du langage, ont pu jouer un rôle dans la façon dont le compositeur a su comprendre les mutations du goût du public. Par sa quête incantatoire souvent relevée par les commentateurs, la musique de Jolivet a par ailleurs fréquemment été rapprochée d’un lexique du primitif (« sauvage », « équatorial », « tropical », « nègre ») assez vague, qui rappelle en de nombreux points celui qui a entouré la réception du jazz au temps de la jeunesse du compositeur (années 1920) et qui a longtemps nourri le discours français sur le jazz. Ainsi le dessein revendiqué par Jolivet de redonner à la musique « son sens originel antique, lorsqu’elle était l’expression magique et incantatoire de la religiosité des groupements humains » recoupe-t-il assez exactement la qualité que le premier discours jazzophile spécialisé a voulu voir dans le jazz, « chant de l’âme profondément religieuse du peuple noir » (Hugues Panassié). On tâchera donc ici de démêler ce qu’il y a de résonances entre Jolivet et le jazz sur le plan des représentations, de ce qu’il peut y avoir d’affinités réelles dans le langage musical – en particulier dans les concertos pour trompettes ou dans une œuvre comme le Concerto pour piano de 1950 (que Bernard Gavoty voyait purement et simplement comme un « concerto nègre »).