Intelligence artificielle et réalité virtuelle engendrent de nouveaux espaces de données, qu'ils soient modélisations mathématiques ou représentations spatialisées. Ceux-ci prétendent imiter la réalité pour la rendre plus accessible et plus prédictible, par le jeu d'opérations mathématiques souvent longues et complexes. À terme, ces modèles influencent eux-mêmes les perceptions et les représentations du monde, en s'immisçant à tout niveau de la vie quotidienne : médecine, finance, assurance, loisirs. Pourtant, le statut de ces modèles vis-à-vis de la réalité n'est pas toujours évident à définir. Au travers de la notion d'hyperréel théorisée par Jean Baudrillard dans Simulacres et Simulations, nous nous proposons de nuancer l'idée que l'intelligence artificielle et la réalité virtuelle fournissent des témoins fidèles du monde. « La simulation, écrit Baudrillard, n’est plus celle d’un territoire, d’un être référentiel, d’une substance. Elle est la génération par les modèles d'un réel sans origine ni réalité : hyperréel. » En opérant ce qu'il appelle une « substitution du réel aux signes du réel », ces nouveaux modes de représentation viennent introduire des biais qui dénaturent et faussent le réel. Dès lors, il apparaît légitime de se demander sur quoi se fonde leur légitimité à réguler à leur tour la réalité dans laquelle nous baignons. Alors qu’ils sont supposés simplifier le réel, les modèles ne finissent-ils pas par le normer ? Pour contextualiser notre propos, nous nous appuierons sur des exemples de mesure de comportements neuropsychologiques par réalité virtuelle et d’outils de diagnostic algorithmiques.