Cet article allait commencer ainsi : « Inconfort, trouble, perturbation, dérangement, gêne… résonnaient dans les atmosphères des projets de fabrique de communs, The Common House à Londres et Les Grands Voisins à Paris, terrains de mes recherches doctorales entre 2017 et 2019 ». Cette phrase reprenait le début d’un article publié en anglais en 2022 sur le pouvoir d’agir et l’inconfort lorsqu’il est mis en pratique dans des projets de fabrique de communs. Ma première proposition pour ce numéro était une traduction de cet article. Après un échange avec une personne du comité de rédaction, je me suis sentie bien plus motivée à utiliser le prétexte de la traduction pour écrire autrement. L’exploration des affects était au cœur de mon approche ethnographique avec The Common House et Les Grands Voisins. Je venais y investiguer les ressentis et les pratiques (liées à des lieux et des collectifs) qui contribuaient à des relations socio-écologiques plus éthiques, à des possibilités de répondre de manières attentionnées aux crises sociales et écologiques qui marquent notre époque. Oui, l’inconfort résonnait dans mes notes de terrain, à l’écoute des entretiens, dans les centaines de sons enregistrés, dans les objets collectés et croquis esquissés… l’inconfort pouvait être ressenti individuellement, comme émotion (exprimée dans des conversations ou des entretiens), ou dans le collectif, avec des références récurrentes à un lieu ou à des pratiques, avec de la tension dans l’air, quelqu’un qui traîne sa chaise, un pincement dans le ventre, un regard détourné, les effets troublants de l’alcool, des corps absents, des espaces évités…