« Je n’arrive plus à soigner à l’hôpital » … Cette phrase, prononcée par un médecin de notre étude (Espace de Réflexion Ethique Bourgogne – Franche-Comté), reflète le sentiment général décrit par les professionnels de santé de l’hôpital public. Et pour cause, les réformes de santé arrivée en grand nombre au début des années 2000, ont conduit l’hôpital à adopter une gestion plus entrepreneuriale, reléguant le savoir médical au second plan. Ces choix politiques ont engendré une attention particulière aux dépenses au sein des hôpitaux. L’heure est donc à la rationalisation des coûts ce qui engendre des manques pluriels (personnel, fermeture de lits…). Plus encore, la Tarification à l’Activité (T2A) pousse également les établissements de santé vers une recherche de l’efficience. En ce sens, les professionnels de santé sont invités à un devoir de rentabilité au sein de leurs pratiques. Cependant, pour la majorité des médecins, le choix de cette carrière était lié à leur goût pour l’altruisme. Ils ont d’ailleurs choisi le service public comme lieu d’exercice car pour eux, il représentait les valeurs d’équité et de justice par l’égal accès aux soins pour tous et leur permettait de pratiquer la médecine sans contrepartie financière avec les patients. Pourtant, avec ces réformes, le travail hospitalier semble entrer en conflit avec leurs valeurs. Les médecins interrogés nous ont partagé leur incompréhension face à la réduction du savoir médical à sa seule potentialité économique. Leurs activités cliniques semblent parasitées par ces injonctions à la rentabilité, mais également par les temps administratifs liés à cette gestion entrepreneuriale, qui leurs incombent désormais. Or lorsque les conditions d’un travail très investi se dégradent, les professionnels ont un risque plus élevé d’être atteint de troubles psycho-sociaux tels que le stress ou encore l’angoisse. Ce phénomène est d’autant plus prégnant dans le monde du soin, lorsque les soignants sont déjà confrontés au quotidien à la douleur, la maladie ou la mort de leurs patients. Pour pallier à ces risques, les médecins interrogés nous ont indiqué avoir tenté d’améliorer leurs conditions de travail, mais en vain, du fait de leur absence de pouvoir relatif à la nouvelle hiérarchie hospitalière. En conséquence, certains médecins se questionnent sur leur avenir à l’hôpital, lorsque d’autres franchissent le pas du désengagement.