Le silure glane (Silurus glanis) est un top prédateur introduit dans de nombreux cours d’eau et lacs français à des fins récréatives depuis les années 1970. L’introduction de ce prédateur opportuniste de grande taille, ayant un très large spectre de proies, soulève des questions quant à son impact sur les espèces natives. Cette étude examine le régime alimentaire et les interactions trophiques du silure glane dans un canal du sud de la France, en particulier avec un autre top prédateur, l'anguille européenne, une espèce native et en danger critique d’extinction (Anguilla anguilla). Durant deux années consécutives (de janvier 2017 à janvier 2019), ces deux espèces et leurs proies potentielles, notamment les écrevisses de Louisiane, les poissons d'eau douce et les poissons saumâtres, ont été échantillonnées à chaque saison. Les tissus des prédateurs et des proies potentielles ont été échantillonnés afin d’étudier le réseau trophique grâce aux analyses des isotopes stables du carbone (δ13C) et de l’azote (δ15N). La variabilité saisonnière des niches isotopiques (tailles et chevauchements) et des régimes alimentaires du silure et de l’anguille ont été particulièrement étudiés. L’utilisation de modèles de mélange bayésiens ont été utilisés pour estimer les quantités relatives de proies consommées. Les résultats de cette étude mettent en évidence une forte variabilité saisonnière et ontogéniques pour le régime alimentaire du silure. Les plus grands individus consomment plus d'espèces de poissons saumâtres. Une forte compétition intra-spécifique, c’est-à-dire entre les classes de taille (<30 cm ; 31-50 cm ; 51-80 cm et >80 cm), a été observée. A ce stade, cette étude ne montre pas un effet de prédation significatif du silure sur l'anguille européenne. Un chevauchement de niche substantiel (> 80%) indique que les deux prédateurs consomment souvent préférentiellement les mêmes proies, en particulier l’écrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii). Notre étude souligne l'importance de comprendre les interactions trophiques intra- et inter-spécifiques sur le long terme pour mieux prédire les répercussions de l’introduction de nouvelles espèces.