La musique générative, forme de création apparentée à l'art génératif, se caractérise par l'utilisation d'un système (ensemble de règles, programme informatique ou machine) partiellement autonome, produisant directement ou contribuant à la réalisation d'une oeuvre. En plaçant au coeur du travail compositionnel la notion de "variable" (Jean-Pierre Balpe) et en introduisant entre l'artiste et le résultat effectivement entendu par l'auditeur une autre agentivité (le programme), elle induit une redéfinition spécifique de la créativité en rupture avec la vision traditionnelle du processus créatif. Par l'étude de certaines oeuvres et des contributions théoriques de deux compositeurs actuels s'inscrivant dans cet héritage (Daniele Ghisi, Aaron Einbond) et de l'apport théorique du compositeur et artiste sonore Johannes Kreidler, nous nous proposons d'étudier la façon dont les technologies utilisées dans certaines formes contemporaines de musique algorithmique accompagnent et amplifient des questionnements théoriques sur la nature de la créativité. Aaron Einbond adosse ainsi son usage d'outils comme la synthèse concaténative et le machine learning à des concepts tels que "l'incréativité" (Kenneth Goldsmith) et la "non-originalité" (Marjorie Perloff). Daniele Ghisi, proposant la notion de "corpus-based composition", exploite de vastes ensembles de données musicales par audiodescripteurs pour générer de nouvelles oeuvres. Ces approches diverses privilégient la sélection, la réorganisation et la réinterprétation de matériaux existants, floutant les notions d'originalité et d'autorité au profit d'une démarche curatoriale et d'une écologie de l'écoute.