Les sols de l’estran : géodiversité d’un sol terraqué. L’exemple des estrans ligériens
Résumé
L’estran (du normand stand, pour plage) ou zone intertidale est la partie du littoral qui se découvre entre le niveau de pleine mer de vive-eau et celui de basse mer de vive-eau. L’estran n’a donc d’existence réelle que dans les mers à marée et aux rivages à faible pente. Son extension dépend de l’amplitude du marnage et de la pente du littoral (Coque, 1993). Les sols d’estran sont extrêmement variés : ils peuvent être rocheux, sableux (plage) et vaseux (wadden) (Geoges et Verger, 2006). Les sols d’estran revêtent ainsi différentes textures terraquées, soit composées de terre et d’eau, spécificité qui en fait le lieu de quantité de phénomènes naturels (érosion, accumulation, faunes et flores particulières) se traduisant par une diversité de formes et de microformes. À l’interface terre-mer, le sol de l’estran induit aussi des caractéristiques économiques, sociologiques, juridiques et paysagères singulières, porteuses d’une forte charge symbolique (Corlay, 1995 ; Miossec, 2012). Sel, algues, coquillages et crustacés, pêche, aquaculture, bains de mer et de soleil, sports de mer et de sable… le sol de l’estran est le théâtre de pratiques et d’usages tellement diversifiés qu’il est vecteur de conflits et qu’il pose des problèmes de propriété : l’estran est souvent du domaine public, concerné par les actions de défense (contre l’attaque des vagues par exemple) et lieu de trafics plus ou moins occultes (contre-bande, épaves) (Brunet et al., 1993). En se promenant sur les estrans ligériens, cette communication propose un voyage du nord au sud de la région des Pays de la Loire, où le linéaire côtier s’étend sur 368 km (125 km pour la Loire-Atlantique et 243 km pour la Vendée). Cet ensemble de formes alterne îles, presqu’îles et baies où trois types d’estran s’inscrivent dans le paysage :
– Les estrans à sol rocheux que l’alternance des marées découvre au jusant (les platiers) et dont les formes parfois pittoresques témoignent du recul des falaises en lien avec les variations des niveaux marins : arches et chicots jalonnent ainsi la côte ligérienne, supports artistiques motivant une attractivité touristique dès le XVIIIe siècle (Vighetti, 2003 ; Bouton et al., 2013), et inscrivant sur les cartes une toponymie pittoresque, parfois anthropomorphique, appelant souvent contes et légendes.
– Les estrans à sol sableux proposent différentes configurations : bordés par de longs massifs dunaires, étirés en flèches sableuses, modelés en cordons littoraux et plage, accrochés ou adossés au substrat rocheux, petite grève et tombolos rythment le tracé littoral signalé avec le zonage bleu pointillé des cartes. Ce sol meuble, « sculptable », mobile laissent apparaitre microchenaux, laisses de mer, mais aussi châteaux de sables, qui constituent des formes éphémères qui disparaissent à chaque marée.
– Les estrans vaseux, dépressions accueillant marais et zones humides (Papy, 1941), s’étendent sur d’anciens golfes marins qui, envahis par la mer flandrienne ont été peu à peu comblés de vases. Ces estrans, larges dépressions aujourd’hui devenues zones humides, marais salants et marais gâts, recèlent une diversité de sol spécifique. Certaines zones les plus basses sont endiguées et poldérisées depuis le XVIIe siècle (Verger, 2009) : ces sols d’estrans disparus voient des buttes, qui se détachent au-dessus de la surface des marais, qui étaient autrefois de véritables îles d’estran : ces zones basses littorales sont rarement recouvertes par l’océan, hormis lors d’évènements exceptionnels (tempête Xynthia en 2010).
Cette communication mobilisera des cartes anciennes et plus récentes qui montrent que les estrans ligériens sont des estrans d’œkoumène, utilisés, aménagés et artificialisés (endiguements, polders) ; les représentations picturales et littéraires complèteront l’étude de ces estrans artialisés depuis la fin du XVIIIe siècle : le développement du tourisme, associé à la diversité des littoraux ligériens dont les estrans constituent un espace important, entraine le développement de stations balnéaires près des plages les plus étendues et les plus ensoleillées (Corbin, 1988 ; Fougnie S., 2008). Progressivement, les estrans ligériens se drapent d’une reconnaissance patrimoniale spécifique à la Région (Portal, 2013), particulièrement scrutés et étudiés (érosion, submersion). Les estrans ligériens et leurs sols sont des espace convoité, institutionnalisé, à la fois lieu d’arrivée et lieu de départ ; nous verrons qu’ils sont espaces sensibles, marqués par des pratiques anciennes, vernaculaires, parfois transmises depuis plusieurs générations, dont témoignent les sols de sable, de vase, de roche, de terre et d’eau.
– Les estrans à sol rocheux que l’alternance des marées découvre au jusant (les platiers) et dont les formes parfois pittoresques témoignent du recul des falaises en lien avec les variations des niveaux marins : arches et chicots jalonnent ainsi la côte ligérienne, supports artistiques motivant une attractivité touristique dès le XVIIIe siècle (Vighetti, 2003 ; Bouton et al., 2013), et inscrivant sur les cartes une toponymie pittoresque, parfois anthropomorphique, appelant souvent contes et légendes.
– Les estrans à sol sableux proposent différentes configurations : bordés par de longs massifs dunaires, étirés en flèches sableuses, modelés en cordons littoraux et plage, accrochés ou adossés au substrat rocheux, petite grève et tombolos rythment le tracé littoral signalé avec le zonage bleu pointillé des cartes. Ce sol meuble, « sculptable », mobile laissent apparaitre microchenaux, laisses de mer, mais aussi châteaux de sables, qui constituent des formes éphémères qui disparaissent à chaque marée.
– Les estrans vaseux, dépressions accueillant marais et zones humides (Papy, 1941), s’étendent sur d’anciens golfes marins qui, envahis par la mer flandrienne ont été peu à peu comblés de vases. Ces estrans, larges dépressions aujourd’hui devenues zones humides, marais salants et marais gâts, recèlent une diversité de sol spécifique. Certaines zones les plus basses sont endiguées et poldérisées depuis le XVIIe siècle (Verger, 2009) : ces sols d’estrans disparus voient des buttes, qui se détachent au-dessus de la surface des marais, qui étaient autrefois de véritables îles d’estran : ces zones basses littorales sont rarement recouvertes par l’océan, hormis lors d’évènements exceptionnels (tempête Xynthia en 2010).
Cette communication mobilisera des cartes anciennes et plus récentes qui montrent que les estrans ligériens sont des estrans d’œkoumène, utilisés, aménagés et artificialisés (endiguements, polders) ; les représentations picturales et littéraires complèteront l’étude de ces estrans artialisés depuis la fin du XVIIIe siècle : le développement du tourisme, associé à la diversité des littoraux ligériens dont les estrans constituent un espace important, entraine le développement de stations balnéaires près des plages les plus étendues et les plus ensoleillées (Corbin, 1988 ; Fougnie S., 2008). Progressivement, les estrans ligériens se drapent d’une reconnaissance patrimoniale spécifique à la Région (Portal, 2013), particulièrement scrutés et étudiés (érosion, submersion). Les estrans ligériens et leurs sols sont des espace convoité, institutionnalisé, à la fois lieu d’arrivée et lieu de départ ; nous verrons qu’ils sont espaces sensibles, marqués par des pratiques anciennes, vernaculaires, parfois transmises depuis plusieurs générations, dont témoignent les sols de sable, de vase, de roche, de terre et d’eau.