Lors de projets terminologiques en contexte universitaire en collaboration avec un service linguistique national (le DELF) ou européen (TermCoord), nous faisons généralement appel à une double voire à une triple expertise. Les experts consultés approuvent le choix des concepts mais ne s’entendent pas toujours sur le choix des termes et proposent également différentes organisations conceptuelles, la différence tenant notamment à la préférence de certains d'entre eux pour un traitement chronologique de la description des processus en œuvre. Cette expérience, accueillie avec étonnement et perplexité par les étudiants, nous fait prendre conscience que l'organisation des connaissances et les formes linguistiques que celles-ci revêtent sont loin d'aller de soi et nécessitent, de la part de chaque acteur, une mise en lumière des présupposés sous-jacents, conscients ou inconscients, formulés ou non, à l'œuvre dans toute réflexion terminologique. Ce phénomène n'est pas nouveau. Il est exposé notamment par Thoiron & Béjoin 2010, qui s'appuient sur les réflexions de socioterminologues, lesquels prônent « l’importance de croiser les démarches et la nécessité d’une approche pluridisciplinaire dans la construction d’une ressource terminologique et dictionnairique telle que le dictionnaire en construction » (Calberg-Challot, Candel et al. 2007 : 199) et, plus récemment, dans Delavigne, Picton et Thibert 2022, qui utilisent une approche hybride au service d’un terrain de santé . Nous nous pencherons sur le recours à l'expertise multiple dans un contexte didactique, sur la divergence des points de vue experts qui peut en résulter et sur la responsabilité du choix des termes et de la perspective de traitement et d'organisation des concepts qui incombe finalement aux terminologues.