David Edgar est un dramaturge britannique contemporain. Né en 1948, il s’est engagé dans le domaine de la politique ainsi que dans celui du théâtre au seuil des années 1970, à la suite du mouvement révolutionnaire qu’a connu une partie de l’Europe en 1968. Engagé à gauche, il peut paraître étrange qu’il ait choisi d’écrire une comédie musicale alors que ce genre est considéré comme relativement conservateur, prônant des valeurs plus traditionnelles. Pourtant, ce choix est délibéré, et participe même d’une tactique véritablement propagandiste. En 1980, David Edgar écrit une adaptation du très long roman de Dickens, The Life and Adventures of Nicholas Nickleby, sous forme de comédie musicale. Celle-ci est montée à Londres, puis à New York, et passe même à la télévision en 1983. Elle remporte un vif succès, et est à l’origine de la notoriété de l’auteur. A une époque où la politique artistique de Mrs Thatcher vise à l’autonomie financière des théâtres, et incite les auteurs à divertir plus qu’à informer, la comédie musicale semble le genre par excellence de l’individualisme, et connaît d’ailleurs une véritable explosion (ne représentant que 6% du répertoire dans les années 1970, elle atteint 20% à la fin des années 1980). Or si David Edgar s’essaie à ce genre dramatique, ce n’est que pour mieux en démonter les préceptes, comme nous tenterons de le démontrer : adaptation fidèle et presque exhaustive du roman (elle dure au total plus de huit heures), le comédie musicale est, cette fois, subversive dans son message, soulignant la critique sociale dickensienne et tournant autour de la thématique de l’argent ; mais aussi dans sa forme même, fruit du travail communautaire de plus d’une quarantaine de personnes, acteurs, metteurs en scène et dramaturge. David Edgar avait décrit la comédie musicale comme un cheval de Troie, permettant aux principes de la société consumériste de s’infiltrer dans les théâtres subventionnés, mais il a réussi à détourner le genre, et l’a à nouveau utilisé comme cheval de Troie, pour faire passer un message social au travers d’une forme des plus conservatrices