Si le mythe d’Œdipe a fait l’objet de plusieurs travaux de type « droit et littérature », qui l’analysent sous l’angle de l’histoire du droit (Goodrich), de l’histoire du théâtre (Biet) ou du féminisme (Aristodemou), il existe peu d’études sur les liens entre droit et littérature dans les tragédies de Sophocle elles-mêmes. En particulier, Œdipe à Colone est rarement étudié dans une telle perspective. Le présent article analyse ces pièces à la lumière de trois concepts juridiques : l’enquête, qui sous-tend l’intrigue d’Œdipe Roi ; la délibération ou décision raisonnée, dont le protagoniste offre un contre-exemple flagrant ; et la réhabilitation, finalement accordée dans Œdipe à Colone à l’issue d’un plaidoyer soutenu. L’étude se termine par une comparaison avec l’Orestie d’Eschyle. La principale thèse de cet article est que, même si elles ne se situent pas dans un contexte judiciaire à proprement parler, les deux tragédies œdipiennes constituent une prolongation de l’évolution juridique amorcée dans l’Orestie, traduisant l’émergence progressive du sujet de droit.