À l’heure où la priorité est donnée à une alimentation plus saine et plus sûre, les produits carnés sont particulièrement montrés du doigt. De nombreuses études épidémiologiques récentes soulignent l’impact de la consommation de viande rouge sur la santé (WCRF, 2018 ; IARC, 2018). Ces dernières et les messages qu’elles véhiculent ainsi que les nombreuses crises sanitaires, contribuent à l’image négative que le consommateur porte de proche en proche sur la filière viande. Cependant, la viande est une source importante de protéines et de nutriments essentiels qu’il faut également prendre en compte dans la balance bénéfice-risque. À cette question de santé s’ajoute celle de la durabilité de notre alimentation. Or, d’ici 2030, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) prévoit une augmentation de 40 % de la demande mondiale en protéines. Pour faire face à cette forte croissance annoncée en protéines, les scientifiques s’accordent sur la nécessité d’augmenter la part des protéines végétales dans notre alimentation, d’autant plus que ces dernières présentent de nombreux avantages, tant d’un point de vue environnemental que nutritionnel et technique. Cette prise de conscience a fait émerger de nouveaux régimes alimentaires comme le végétarisme, le véganisme, mais surtout le flexitarisme qui entraînent un accroissement de la demande en protéines végétales. Il convient alors d’explorer de nouvelles voies pour élaborer des aliments répondant aux tendances et aux nouveaux modes de consommation. Dans ce contexte, l’UR370 QuaPA (INRAE) et l’ADIV (Institut Technique Agro-Industriel) ont engagé des travaux sur la conception d’aliments hybrides mélangeant des protéines animales à d’autres sources de protéines (légumineuses, champignons, algues…). En effet, cette association de différentes sources de protéines au sein d’un même produit permet de tirer parti de leurs avantages respectifs et d’exploiter leurs interactions à des fins technologiques, organoleptiques, nutritionnelles voire économiques (Alves et al., 2019). Ce développement de nouveaux aliments sains et durables s’inscrit dans une stratégie de diversification des produits pour accompagner la transition alimentaire. Toutefois, concevoir et réaliser une « transition alimentaire » commande aussi de s’interroger en parallèle sur son acceptabilité sociale et nécessite donc une approche interdisciplinaire : sciences du vivant, sciences humaines et sociales. Deux travaux en cours permettront de l’illustrer dans cette communication qui s’inscrit dans l’axe 2 du colloque. Un premier travail porte sur la formulation d’aliments hybrides riches en fer associant des abats et des lentilles. L’objectif est double : lutter contre le problème de santé des personnes carencées en fer en apportant une solution alimentaire, et valoriser des coproduits animaux permettant de réduire le gaspillage alimentaire. Alors que 25 % de la population mondiale souffre d’anémie, cette approche vise à concevoir des aliments fonctionnels riches en fer et adaptés aux besoins nutritionnels d’une population cible (Piskin et al., 2022). Néanmoins, aussi riche en nutriments soit-il, l’aliment doit être accepté par le consommateur qui doit y trouver un intérêt. C’est pourquoi, dans un premier temps, un focus group a été organisé. Le but était, d’une part, de définir la perception des consommateurs vis-à-vis des abats en mettant en évidence les potentiels freins à leur consommation (organoleptiques, psychologiques…) et d’identifier les leviers permettant d’augmenter l’acceptabilité sociale des produits à base d’abats ; d’autre part, d’évaluer l’intérêt des consommateurs pour l’introduction de produits hybrides dans leur alimentation associant des abats et une source de protéines végétales. Les informations collectées ont permis de préciser les attentes des consommateurs pour ces nouveaux produits (visuel, goût, texture…). Une fois l’aliment modèle conçu, la suite du projet s’attachera à des analyses physico-chimiques, structurales et nutritionnelles avec comme finalité la dégustation des aliments au public visé. Un second travail s’intéresse aux aliments hybrides à base de viande rouge et de mycoprotéines pour prendre en considération, cette fois, les problématiques de santé liées à la surconsommation de viande rouge et celles de transition alimentaire. Ainsi le projet MushMeat déposé à l’AAPG 2023 de l’ANR a-t-il pour vocation de montrer qu’il est possible de formuler de nouveaux types d’aliments hybrides permettant de garantir à la fois un faible taux de composés néoformés toxiques produits lors de la cuisson des produits carnés (Meurillon et al., 2016) et un apport en protéines et nutriments essentiels. Pour cela, des aliments hybrides innovants mixant viande et champignons seront formulés pour pouvoir tirer parti des propriétés antioxydantes et nutritionnelles des champignons de Paris (Podkowa et al., 2021) afin de développer un produit plus sain et s’inscrivant dans la volonté de transition alimentaire. Le projet a comme objectif de développer une nouvelle méthode de remédiation des composés néoformés toxiques, d’étudier les mécanismes de remédiation impliqués et de déterminer les propriétés physicochimiques de ce nouvel aliment. Il étudiera également les propriétés sensorielles de cet aliment combinant protéines animales et mycoprotéines et en déterminera l’acceptabilité auprès du consommateur. MushMeat s’appuiera sur des compétences en chimie analytique et organique, en génie des procédés, en science du goût et du consommateur, en économie et en sciences de l’information et de la communication et aura le support d’un centre technique pour ouvrir la voie d’une alimentation carnée raisonnée et plus sûre. Cette présentation se propose de traiter du développement d’aliments hybrides et de leur acceptabilité sociale au travers de ces deux exemples de travaux réalisés en partenariat avec l’URE Transitions. WCRF (2018). Recommendations and public health and policy implications. IARC (2018). Red meat and processed meat. IARC Monographs on the evaluation of carcinogenic risks to humans, 114. Alves, A. C., & Tavares, G. M. (2019). Mixing animal and plant proteins: Is this a way to improve protein techno-functionalities? Food Hydrocolloids, 97, 105171. https://doi.org/10.1016/j.foodhyd.2019.06.016 Piskin, E., Cianciosi, D., Gulec, S., Tomas, M., & Capanoglu, E. (2022). Iron Absorption: Factors, Limitations, and Improvement Methods. ACS Omega, 7(24), 20441–20456. https://doi.org/10.1021/acsomega.2c01833 Meurillon, M. & Engel, E. (2016). Mitigation strategies to reduce the impact of heterocyclic aromatic amines in proteinaceous foods. Trends Food Sci Technol, 50, 70-84. Food Chem, 331, 127264. https://doi.org/10.1016/j.tifs.2016.01.007 Podkowa, A., Kryczyk-Poprawa, A., Opoka, W., & Muszyńska, B. (2021). Culinary-medicinal mushrooms: a review of organic compounds and bioelements with antioxidant activity. Eur Food Res Technol, 247, 513-533. https://doi.org/10.1007/s00217-020-03646-1