Les représentations sont dépendantes des processus d’objectivation et d’ancrage. Le premier permet aux individus d’associer une image à une signification, le deuxième d’attribuer du sens aux nouvelles images forgées. Cette association entre images et significations participe du caractère symbolique des représentations sociales, soutenant des enjeux de communication entre individus. Les travaux de Moliner (2016) montrent que l’iconographie peut être considérée comme un message figuratif, porté par des modalités d’ancrage (le sens) et d’objectivation (la forme). L’étude des représentations de la ville est traditionnellement abordée par des productions iconographiques (dessin, photographie, etc.), mais rarement par leurs processus d’ancrage et d’objectivation. Nous souhaitons démontrer que la photographie de lieux est avant tout un moyen de communication, un réel medium des représentations sociales de la ville, reposant sur les processus d’ancrage et d’objectivation et participant aux interactions sociales entre groupes sociaux. 20 habitants de Montreuil ont réalisé des photos caractéristiques et non-caractéristiques de 4 lieux présélectionnés, reflétant la diversité du tissu urbain de cette ville. Plusieurs critères sociodémographiques sont contrôlés afin d’interroger différents profils. L’analyse repose sur le corpus de 231 photos, afin de comparer les modalités d’ancrage et d’objectivation entre les photos caractéristiques et non caractéristiques des lieux. Une analyse formelle des photographies (cadrage, format, centre d’intérêt, vide, élément, profondeur, etc.) est réalisée. On constate que les photos caractéristiques montrent significativement plus de plans larges, plus de mouvements humains et plus de détails dans la périphérie du cadre. Elles visent à assurer une reconnaissance du lieu quasi certaine par tous (objectivation), et une signification (ancrage) qui leur est propre. À l’inverse, les photos non caractéristiques ne permettent pas la reconnaissance du lieu et semblent sans signification propre (absence d’objectivation et d’ancrage). Ainsi, les photos peuvent être considérées comme de réels messages iconiques et comme un outil pertinent pour étudier les représentations sociales. Cette étude démontre que l’utilisation de photographies permet de recueillir la représentation de ceux qui les produisent et d’aborder sa dimension sociale, qui sous-tend les dynamiques de communication. La réalisation d’une analyse formelle d’un corpus de photographies a permis de vérifier que cette production est bien soumise aux processus d’ancrage et d’objectivation qui caractérisent les représentations. Il est possible d’affirmer que la photographie est un outil pertinent qu’il reste à explorer pour étudier les représentations. La manière de photographier serait une construction sociale. Certaines photos adoptent une forme (objectivation) de monstration maximale, de type analogique, d’autres ne montrent qu’une une partie emblématique du lieu, une objectivation métonymique. Une nouvelle hypothèse serait que l'objectivation métonymique est en lien avec des positions sociales élevées (représentation évaluative, niveau haut de représentation), à l'inverse l'objectivation analogique serait surtout liée à des positions plus modestes (représentation fonctionnelle, niveau bas de représentation).