La courbure et le modèle de distribution corticale de la diaphyse fémorale sont des traits rapportés à la locomotion. Ils diffèrent cependant entre Homo sapiens et Homo neanderthalensis, malgré leurs similarités posturo-locomotrice : un renforcement cortical antéropostérieur plus prononcé chez Homo sapiens, une courbure plus marquée chez Homo neanderthalensis. L’objectif de cette étude est de déterminer si ces différences reflètent deux stratégies biomécaniques distinctes en réponse aux contraintes mécaniques de la bipédie. Pour cela, nous avons quantifié ces deux paramètres à plusieurs niveaux de 123 diaphyses fémorales d’Homo neanderthalensis et d’Homo sapiens du Pléistocène à l’actuel. Les résultats confirment que les diaphyses d’Homo neanderthalensis sont plus courbées que celles des Homo sapiens du Pléistocène, en particulier dans la partie distale, et présentent une distribution corticale beaucoup moins orientée antéropostérieurement quelle que soit le niveau de la diaphyse. Ces distinctions marquées existent sans qu'il y ait de variation dans la quantité totale d'os cortical mobilisée, ce qui indique des différences dans l’organisation de l'os cortical au sein de la diaphyse fémorale. Enfin, quels que soient les groupes considérés, une distribution corticale marquée antéropostérieurement est associée à une courbure plus faible, et inversement. Ces résultats suggèrent qu'il existe probablement au sein de la diaphyse fémorale une relation biomécanique entre la courbure et la distribution corticale, certains groupes favorisant l'une ou l'autre de ces caractéristiques. Au Pléistocène, Homo neanderthalensis et Homo sapiens semblent donc avoir adopté des stratégies biomécaniques distinctes.