Questionnement scientifique La mer Méditerranée, avec plus de 4,4 millions de passagers soit une augmentation de 19% depuis 2019 (avant la crise COVID), est le second pôle mondial pour la croisière après les Caraïbes (CLIA, 2022). Ce secteur d’activité a connu une croissance rapide à partir de la fin des années 1960 et cela malgré les événements divers qui ont mis en crise ce secteur ces dernières années (naufrage du Costa Concordia en 2012, pandémie Covid-19 en 2020 et 2021). Ce développement rapide repose sur des facteurs classiques comme la présence d’infrastructures dédiées à l’accueil de ces flux au cœur de villes et donc en proximité des sites culturels et historiques ou encore un climat chaud. Les ports majeurs, souvent connectés à des villes touristiquement attractives, se sont imposés comme des hubs importants pour le marché de la croisière dépassant le million de passagers annuel (Barcelone, Marseille, Venise ou encore Le Pirée). Toutefois la situation est assez contrastée et en cours de transition. Au sein de nombreuses places portuaires touristiques telles que Venise, Marseille ou Barcelone, le secteur de la croisière fut dénoncé par la société civile et le monde associatif pour son impact sociétal (nombreux touristes dans les villes) mais surtout environnemental et sanitaire. Face à ces contestations, les municipalités ont réagi souvent en limitant le nombre d’escales en instantanée par jour ou encore en développement des aménagements tel que le branchement à quai. Cependant, la diminution du nombre d’escales peut être compensée par l’accroissement de la taille des paquebots et par un report des escales dans des ports secondaires. Le marché de la croisière en Méditerranée semble ainsi se diffuser vers de nouveaux ports plus petits comme Sète en France, Monopoli en Italie ou encore Tarragone en Espagne. Mais si on observe une redistribution des escales des grands ports vers les plus petits, la question est de savoir quelle en est la conséquence non seulement en termes d’interdépendance entre les villes-ports, mais aussi en termes d’externalités négatives surtout en ce qui concerne les émissions atmosphériques des navires de croisière. Méthodologie Pour répondre à cette question nous proposons, à partir du traitement des messages AIS (Automatic Identification System), une méthode d’analyse spatiale des flux de la croisière et donc des réseaux de navigation régionaux fondée sur la connaissance statistique des routes et des escales des navires des croisière en mer Méditerranée. La donnée AIS qui est spécifique aux navires sera combinée avec des données portuaires et des données urbaines pour analyser les relations existantes entre les ports (ports tête de ligne ou d’escale) et la ou les villes concernées par la croisière. L’objectif de cette communication sera d’établir un état des lieux de l’évolution du marché de la croisière en Méditerranée de 2013 à 2023 et d’analyser l’évolution de la place des petits ports dans le modèle économique du marché de la croisière. Dans un second temps, nous analyserons l’impact en termes d’émissions atmosphériques de la croisière en fonction de la motorisation des navires que ça soit pendant la navigation que lors de l’escale pour appréhender le risque d’inégalités spatiales qui pourrait s’instaurer entre les petits et grands ports face à cela. Nouveauté, originalité Si les recherches sur les réseaux maritimes et les hiérarchies portuaires sont nombreuses en matière de porte-conteneurs, celles sur les trafics et les pratiques de navigation de la croisière sont un élément novateur de cette communication. Nous proposons une nouvelle approche de l’analyse de réseaux maritimes et des modes de navigations propres aux navires de croisière par rapport à la gestion des espaces maritimes traversés en Méditerranée afin de s’interroger sur comment repenser le rapport que la croisière entretient avec les territoires concernés par les escales. Enfin, si les questions relatives aux émissions notamment atmosphériques des navires de croisière font l’objet de quelques études, l’étude scientifique des pratiques de navigation de la croisière, des relations qu’y s’instaurent avec les territoires lors des escales et des politiques publiques qui en découlent est pour le moment embryonnaire.