Contextualisation Malgré les différentes politiques de l’emploi mises en œuvre ces dernières décennies, on constate toujours la difficulté récurrente à résorber le chômage des demandeurs d’emploi les plus éloignés du marché de l’emploi (Wuhl, 1998 ; Borello, 2018 ; Rapport ANSA, 2017). Dans le cadre des directives européennes (Hamzaoui, 2005), c’est actuellement la politique d’activation de contrôle qui oriente les pratiques d’aide à l’insertion des demandeurs d’emploi. Cette politique consiste, en contrepartie de l’allocation financière, à exiger de la part du demandeur une recherche active d’emploi. Cela se caractérise par des injonctions plus importantes à l’employabilité et au placement des demandeurs d’emploi dans les dispositifs d’accompagnement. Se retrouvent face à ces injonctions et au bout de la chaîne des politiques de l’emploi, des acteurs de terrain : les conseillers en insertion professionnelle (Lavitry, 2016). Certaines études montrent que ce contexte et ces orientations politiques ont des incidences sur les postures et les pratiques des conseillers (Lavitry, 2012) et peuvent engendrer un malaise, voire un épuisement professionnel lié notamment aux conflits de rôles et de valeurs chez ces professionnels de l’insertion (Machado et Desrumeaux, 2015). Objet de recherche La majorité des travaux en sciences humaines et sociales s’intéressant aux problématiques et situations d’insertion professionnelle s’est centrée soit sur l’étude des politiques de l’emploi (Ebersold, 2005 ; Borello, 2018) soit sur les demandeurs d’emploi (Castra, 2007 ; Labbé, 2012). On ne peut que constater le peu de travaux centrés sur les professionnels de l’insertion, notamment en psychologie sociale du travail et des organisations. Notre recherche, située sous cet angle d’approche, a pour objectif général 1) de décrire les pratiques professionnelles des conseillers mises en œuvre dans le cadre des dispositifs inscrits dans les politiques d’activation de contrôle (conformisme ou distanciation de rôle, posture, auto-organisation des activités) ; 2) d’examiner les relations entre la variabilité de ces pratiques professionnelles et les représentations que les conseillers ont, d’une part, de leur rôle (conflictuel ou non) et, d’autre part, des politiques d’insertion qui orientent les dispositifs dans lesquels ils œuvrent. Plus précisément, nous allons analyser la pratique professionnelle des conseillers dans un contexte de forte injonction à l’emploi et au placement des demandeurs d’emploi qu’ils accompagnent : les cahiers des charges de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA. La revue de littérature scientifique centrée sur les politiques d’emploi et sur la notion de rôle a fait émerger deux controverses théoriques majeures. La première controverse se situe autour de la conceptualisation de l’employabilité où deux visions divergent : la première très « psychologisante » qui remet la responsabilité de l’employabilité sur le demandeur d’emploi seul, une vision particulièrement critiquée en sociologie (Glaymann et Moatty, 2016 ; Perrin-Joly, 2016) et la seconde plus « interactive » (Gazier, 2017) qui articule la responsabilité de l’employabilité à différents acteurs. La seconde controverse théorique concerne les conflits de rôles. S’ils sont souvent abordés sur leur angle délétère (Hardy et Coway, 1988 ; Grennhaus et Beuttel, 1985), certains travaux posent que le conflit peut être également traité sous un angle plus positif, constitutif de la construction de la personne (Malrieu, 1973 ; Salah-Eddine, 2014, Edmond et Picard, 2008). Hypothèse générale En ce sens, nous posons l’hypothèse suivante : la variabilité des pratiques d’accompagnement des demandeurs d’emploi mises en œuvre par les conseillers peut s’expliquer par des variables socio-biographiques et contextuelles mais également par des variables psychosociales tels que les conflits de rôles et de valeurs perçus par les conseillers. La recherche poursuit un double objectif. Le premier objectif est de comprendre comment les conseillers en insertion explicitent leur posture et leurs pratiques d’accompagnement au regard, à la fois, de leur propre représentation de l’employabilité et, à la fois, de celle véhiculée au sein de leur organisation de travail. Les décalages perçus par les conseillers entre ces représentations seront envisagés sous l’angle des conflits de rôles et valeurs. Le second objectif est d’analyser quel(s) effet(s) cela engendre sur leur bien-être psychologique au travail. Dans ces perspectives appliquées, la thèse visera à formuler des préconisations en matière de formation et d’accompagnement des professionnels de l’insertion. Méthodologie Sur le plan méthodologique, nous avons réalisés des entretiens exploratoires en Master 2 Recherche dont les premiers résultats seront présentés lors du junior colloque. Afin d’interroger notre population de conseillers qui accompagnent les bénéficiaires du RSA, nous utiliserons pour la thèse une méthodologie mixte : un premier recueil de données qualitatives sera mené via des entretiens semi-directifs auprès de 10/15 sujets dont les résultats poursuivent plusieurs objectifs : voir les liens que les sujets font entre les variables (pratiques, représentation de l’employabilité et conflits perçus) et dégager des indicateurs du bien-être psychologique au travail; un second recueil de données par questionnaire se fera via une étude extensive auprès d’une centaine de conseillers RSA avec les objectifs suivants : tester l'hypothèse et dégager différentes typologies d'accompagnement.