Les formations fluviatiles de fond de vallée ont un fort potentiel pour les reconstitutions de l’histoire du climat, de l’environnement et des sociétés humaines. Dans les bassins sédimentaires calcaires, les tufs calcaires sont fréquemment étudiés dans ce but. Dans le Bassin de Paris, la vallée de la Somme est particulièrement riche en formations tufacées permettant de retracer les optima climatiques pléistocènes de la région. À l’Holocène, les tufs de la Somme sont majoritairement localisés dans la moyenne vallée et leur étude offre la possibilité de reconstituer les dynamiques fluviatiles et environnementales du fond de vallée pendant l’Holocène. Ces tufs sont étudiés par géologues et archéologues depuis le XIXe siècle, mais leur origine (sources jaillissant du fond de vallée ou ancien chenal de la Somme) restait jusqu’à présent indéterminée et leur répartition mal connue. De récentes investigations de terrain, couplées à une étude SIG du fond de vallée ont permis de mieux caractériser et interpréter les formations de tufs déposées dans la moyenne Somme. Elles permettent de cartographier plus précisément les tufs de la vallée et indiquent leur évolution durant l’Holocène. Le secteur de Bourdon-Tirancourt a été choisi afin d’effectuer 70 sondages en surface (1-2 m de profondeur) et vérifier la présence de tuf, ainsi que pour l’étude stratigraphique et malacologique d’une coupe et la stratigraphie de 4 sondages profonds de 5 à 10 m. Les résultats permettent de documenter l’évolution du régime hydrique et de la Somme et donnent une chronologie des conditions environnementales du fond de vallée durant l’Holocène. Les tufs surplombent le fond de vallée de 1 à 8 mètres, suggérant un niveau des nappes supérieur à l’actuel. Deux types de morphologie se distinguent : i) les tufs qui serpentent le long du lit (+ 1,5 m à + 4,5 m au dessus du fond de la vallée actuelle), associés à d'anciens chenaux ; ii) les tufs plus hauts (+ 5,5 m à + 7,5 m supérieurs au fond de vallée) et larges, en aval des vallées adjacentes. La présence de craie du Turonien supérieur à Coniacien comme substrat est un des facteurs favorables au développement des tufs de la moyenne vallée. L’étude stratigraphique d’un des tufs serpentant dans la vallée, situé dans la commune de Bourdon, démontre leur origine fluviatile, de même que la prédominance des mollusques fluviatiles et l’absence d’espèces de sources. Les différences morphologiques et stratigraphiques des tufs suggèrent qu’ils se sont développés en deux temps, sous différents régimes hydrologiques. Les premiers tufs se sont développés du Préboréal à la fin de l’Atlantique. L’arrêt de la précipitation des tufs à cette période semble attribuable à des facteurs climatiques et à un abaissement des nappes. La sédimentation tufacée reprend ensuite jusqu’à l’âge du Bronze et son arrêt pourrait être lié à une pression anthropique.