Théâtre du village planétaire : espace et altérité chez Rimini Protokoll
Résumé
Enquêtes dans le monde réel, les productions de Rimini Protokoll décodent les mécanismes de la mondialisation avec des « experts du quotidien ». Dans cette communication en langue française, nous étudions les interférences entre perceptions spatiales et constructions de l’altérité dans deux spectacles du collectif berlinois. Les notions de coprésence et de simultanéité étayent nos analyses. Il est utile de nous référer à Marshall McLuhan et à Ulrich Beck qui constatent que le monde sera interconnecté et bouleversé par les technologies de télécommunication au XXIe siècle. Spectacle créé par Helgard Haug et Daniel Wenzel en octobre 2010 à Istanbul, capitale européenne de la culture, Herr Dağacar und die goldene Tektonik des Mülls (Monsieur Dağacar et la tectonique dorée des poubelles) retrace la vie de trois hommes qui parcourent les rue d’Istanbul en quête de ressources à recycler. Dans ce reportage intime, on découvre leurs cheminements nocturnes et leurs déplacements depuis leur village natal vers la mégapole. En compagnie d’un artiste de théâtre d’ombres turc, les ramasseurs analysent forces, faiblesses, opportunités et menaces de leur métier précaire. La réflexion éthique sur le rapport entre les gens de théâtre et leurs témoins, qui sont en quelque sorte des partenaires commerciaux, est subtilement tissée entre les récits. Stefan Kaegi se présente comme « éditeur » des récits qu’il a recueillis dans Bodenprobe Kasachstan (Prélèvement de terre Kazakhstan) dont la première a eu lieu en avril 2012 au théâtre berlinois HAU. Cinq « experts du quotidien » croisent leurs regards sur le Kazakhstan, pays d’Asie centrale, en abordant la situation géopolitique et l’histoire de cette ancienne république soviétique riche en ressources pétrolières. Ces experts cohabitent sur la scène et communiquent, à travers des capsules vidéos, avec des proches restés au pays. Les vidéos en format cinémascopique de Chris Kondek et la scénographie d’Ajoscha Begrich évoquent les multiples strates géologiques, mémoires individuelles et croisements traumatiques. En exposant des « vies marquées par l’horreur et le soulagement », le spectacle documente les migrations entre le Kazakhstan, l’Allemagne et la Russie, et devient un échantillon précieux des histoires qui racontent notre village planétaire.