Reims est encadrée par une ceinture de 12 ouvrages fortifiés détachés de la ville (7 forts et 5 ouvrages annexes), construits entre 1875 et 1885 après la guerre franco-prussienne (1870-1871 ; système « Séré de Rivières »). Ces ouvrages s’intègrent dans la 1re tranche de construction de 234 forts, construits ex nihilo à partir de matériaux maçonnés (type 1874). L’objet de cette contribution est d’étudier l’origine des géomatériaux de construction ainsi que les stratégies d’approvisionnement mises en place pour les transporter du site d’extraction au site de construction, ce qui implique de repérer les aires d’approvisionnement. Il s’agit également d’adopter une approche typologique mettant en relation les types d’usage avec les propriétés lithologiques des roches, et de révéler les caractéristiques stéréotomiques des pierres employées. Pour atteindre cet objectif, le fort de Nogent-l’Abbesse a été sélectionné comme zone atelier afin de réaliser des relevés de façade pour une identification des macro- et microfaciès. La méthode emploie une combinaison de prospection de terrain, de croisement avec des sources archivistiques (inventaire de carrières, plans anciens), de photogrammétrie et de digitalisation du calepinage et de l’enrichissement attributaire sous système d’information géographique (SIG). Les résultats démontrent que les caractéristiques géomorphologiques et géologiques conditionnent l’utilisation des géomatériaux. L’approvisionnement implique des sites d’extraction pluriels, situés dans des périmètres multiscalaires imbriqués allant du site de construction à l’échelle extrarégionale (plus de 100 km). Les calcaires bleus des Ardennes (Dévonien), les calcaires oolithiques de Meuse (Oxfordien), les meulières de Brie, le Calcaire grossier du Lutétien, les grès quartzitiques du Thanétien sont utilisés conjointement sous forme de moellons, de pierre de taille ou de pavé. Leur emploi est associé aux matériaux nécessaires à la fabrication des mortiers et des terres cuites architecturales (calcaires à chaux, sables et argiles). Cette grande diversité des géomatériaux découle des nombreux usages architecturaux (soubassement, élévation, encadrement, couverture), eux-mêmes partiellement inféodés aux caractéristiques pétrographiques des roches. Finalement, ces résultats augmentent les connaissances géomorphologiques, archéologiques et historiques des polémoformes Séré de Rivières et alimentent la réflexion autour de la valeur géopatrimoniale de ces structures à cheval entre héritage anthropique, environnemental et écologique.