En 1942, Vercors publie la nouvelle qui le rendra célèbre, Le Silence de la mer. Lune noire (The Moon is Down) de John Steinbeck, est diffusé en France à la même époque, via les éditions clandestines de Minuit. Le rôle de la femme – la nièce, Molly Morden – est central ; individu en proie à des sentiments contradictoires, mais aussi objet de convoitise de la part de l'occupant et corps à défendre au nom de la préservation de la patrie. Sa féminité est également synonyme de péril et de tentation. Le Silence de la mer et Lune noire ont pour objectif de souligner la complexité de la relation occupant/occupé. La fraternisation ou un rapprochement sincère et désintéressé ne peuvent exister dans la cohabitation forcée ; le refus – par le silence ou l'action – est seul garant de la dignité de l'individu. Ces duos ambigus – Tonder/Molly, von Ebrennac/la nièce – constituent ainsi le vivant miroir des dilemmes et des valeurs en jeu dans les deux groupes. En effet, l'individu, civil ou soldat ne s'appartient plus ; de son attitude personnelle dépend la victoire de son camp, et sa propre intégrité. Dans une perspective comparatiste, il apparaît donc pertinent de s'intéresser à ces textes pour leurs peintures psychologiques, émotionnelles, et leur potentiel d'édification. La réception contemporaine et actuelle de ces exemples avortés de fraternisation, mais pour autant non dénués d'ambigüité, constitue également une piste de réflexion, qui amène à repenser notre manière de considérer l'autre en temps de conflit.