Enjeux esthétiques et politiques du happy end dans Article 353 du code pénal
Résumé
Dans Article 353 du Code Pénal, la critique des rouages déréglés du capitalisme irradie le lecteur par identification avec le personnage principal et narrateur, Kermeur, pris dans un tête-à-tête aux allures de confessionnal avec le juge chargé d’instruire son procès pour meurtre. Dans ce contexte, le dénouement en forme de fin heureuse surprend, et soulève avec acuité la question de la place et de l’efficacité de la parole littéraire sur la scène politique, voire de la légitimité de la fiction sur le plan social.
Si le roman travaille comme une modélisation chargée de rendre supportable les expériences du monde, ce récit de la crise économique de 2008 porte en son cœur une inquiétude fondamentale, par ailleurs largement partagée dans le champ de la fiction contemporaine (Christine Montalbetti, Arno Bertina, Leslie Kaplan, Olivia Rosenthal, Guillaume Poix, Nathalie Quintane, etc) : celle de sa propre insuffisance, entre fantasme d’une fiction réparatrice impossible et désespoir d’époque. C’est cela qu’il s’agit ici d’interroger : comment Viel renoue-t-il avec une conception de la fiction dans sa puissance affective (cf. Schaeffer), de plain pied ici et dans une écriture défaite des virtuosités formelles de ses précédents romans ? Si Viel semble s’avancer à visage découvert, quelle puissance accorde-t-il à l’acte narratif (le récit dans sa capacité d’intervention sociale), en héritier peut-être de la figure benjaminienne du conteur ? Quels enjeux cela assigne-t-il à l’écriture romanesque, dans la redéfinition contemporaine des modalités de l’engagement politique ?