Depuis au moins deux décennies, on constate dans les pays occidentaux l’accélération des migrations vers les campagnes de populations urbaines motivées par une contestation du mode de vie urbain et par la montée de préoccupations environnementales. Ce néo-ruralisme alternatif n’est pas sans rappeler celui des années 1960 à 1980 que la littérature qualifiait de « retour à la terre ». Si ce « retour » utopiste a fini par s’étioler du fait de ses contradictions internes et de sa récupération par le système dominant, l’expérience accumulée et les réseaux qu’il a participé à constituer bénéficient à son homologue contemporain, permettant la multiplication d’alternatives écologiques ancrées au territoire. Fondées sur l’expérimentation et l’exemplarité, ces alternatives s’attachent à la mise en actes quotidienne de leurs convictions politiques. Ce projet s’intéresse aux écohameaux français et québécois, habitats communautaires et écologiques qui représentent une partie de ces alternatives. Ancrés localement tout en s’inscrivant dans des géographies régionales et dans des réseaux globaux, ils sont le théâtre de tensions entre des convictions idéologiques fortes et des impératifs normatifs de survie. En outre, leur présence et leur volonté d’essaimer fait des campagnes un espace de négociation, collaboration et conflit concernant la transition écologique et l’avenir des espaces ruraux. Par une analyse du discours en ligne et une approche ethnograpique sur le terrain, notre objectif est d’identifier leurs discours spécifiques et d’étudier comment ceux-ci se traduisent par des rapports particuliers aux territoires ruraux et aux acteurs qui les gèrent et les aménagent. Nous avançons notamment l’hypothèse que les écohameaux entendent bâtir une alternative de rupture, donnant lieu à une hybridation d’idées et pratiques parfois contradictoires à même d’influencer les discours et pratiques des habitants et acteurs clefs de la gestion du monde rural.