A travers l'exemple d'un procès instruit en 1692 par les Juges de l'amirauté de Saint-Malo à l’encontre de protestants français capturés par des corsaires à bord d'un navire hollandais, cet article vise à mettre en évidence le caractère éminemment prioritaire accordé par la Monarchie absolue à la question du recrutement maritime. Par sa proximité avec les îles anglo-normandes, le siège de l’amirauté de Saint-Malo était alors régulièrement amené à juger des protestants capturés en mer, à bord des prises, ou à terre alors qu’ils tentaient de s’embarquer pour l’Angleterre. Dans les années suivant la révocation de l'édit de Nantes, au cours desquelles la répression s'intensifie à l'égard des Religionnaires tentant de gagner le Refuge, le déroulement de cette affaire montre que des protestants objectivement coupables de trahison, – ils ont été pris par les corsaires les armes à la main –, peuvent être jugés, graciés et immédiatement remis aux mains du Commissaire de la Marine pour être embarqués sur le premier vaisseau du Roi. Alors même que Louis XIV a fait de l’extirpation de l’hérésie protestante l’un des objectifs symboliques de la seconde moitié de son règne, la qualité de marin, si utile au royaume, primait sur la qualité de Religionnaire, qui pouvait échapper aux galères à vie en contrepartie d’une commode et rapide abjuration.