Introduction La vitesse en ville constitue un enjeu d'importance reconnu par les collectivités et par les usagers. En effet, les travaux scientifiques internationaux établissent depuis de nombreuses années que la vitesse des véhicules a un impact direct sur la fréquence et la gravité des accidents. De plus, une vitesse excessive a aussi des conséquences sur la qualité de vie quotidienne des habitants. Se déplacer confortablement, en toute sécurité et sereinement n'est possible que si les vitesses entre les usagers, sur un même espace, sont compatibles. Ces problématiques sont particulièrement prégnantes lorsqu'il s'agit de faire cohabiter usagers vulnérables et usagers motorisés. Depuis de nombreuses années, les collectivités répondent à cet enjeu en menant une politique de hiérarchisation de leurs voies et en mettant en place des aménagements de modération de la vitesse. Désormais, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015, permet au maire de généraliser le 30 km/h sur tout ou partie de sa voirie. Déjà, en septembre 2022, on dénombrait plus de 28 villes centres d'agglomération ayant généralisé le 30 km/h et d'autres ont suivies depuis. La généralisation touche également les villes et les villages de toute taille. Pour autant, il n'existait pas à notre connaissance de document présentant les démarches de mises en place de cette généralisation du 30 km/h par les collectivités aussi appelé ville 30 ou métropoles apaisées. Ainsi, le Cerema a réalisé un retour d'expérience de collectivités ayant mise en place la généralisation du 30 km/h. L'objectif était de capitaliser sur les démarches mises en œuvre par ces collectivités afin de comprendre le phénomène et éclairer les collectivités qui n'ont pas encore fait ce choix en matière de politique publique. Méthodologie Cette étude a été menée sur cinq collectivités grâce à des entretiens directifs et à une recherche documentaire : une métropole européenne (non Française), une métropole française, une commune centre d'agglomération (~50 000 hab.), une commune péri-urbaine (~30 000 hab.) et une petite commune (~5 000 hab.). Les entretiens ont été menés durant les mois de septembre et d'octobre 2022 par un groupe de cinq élèves-attachés d'administration de l'État à la demande du Cerema. La première phase de l'étude s'est attachée à comprendre comment la généralisation du 30 km/h a été mise en place au travers de six thématiques : Génèse du projet / Contexte de déploiement, Acteurs, Communication, Moyens et Outils de mise en application / Budget, Leviers / Freins, Bilan / Bilan d'étape. Suite à cette première phase et en fonction des informations récoltées, un travail d'identification des invariants, schémas itératifs et techniques communes employées par les collectivités interrogées a été réalisé afin de formuler des recommandations à destination des collectivités souhaitant s'engager dans la mise en place de cette politique publique. Principaux résultats obtenus ou attendus Établir un diagnostic précis De nombreuses collectivités ont profité de la crise sanitaire pour lancer ou accélérer leur démarche de généralisation du 30 km/h. Suite aux auditions, il apparait que certaines communes auraient souhaité avoir identifié des indicateurs et relevé des données en amont du processus de généralisation. En effet, a posteriori, il est parfois difficile de connaître l'impact réel des mesures mises en place et donc impossible de communiquer sur leur efficacité auprès des administrés. Recommandations formulées : En amont de la généralisation, identifier les indicateurs les plus pertinents selon le contexte local : la vitesse moyenne pratiquée et les temps de parcours sur des trajets-types pour les automobilistes, la mesure des niveaux sonores, la mesure de la qualité de l'air... ; Établir un bilan des modes de transport sur le territoire (proportion de la population utilisant la voiture, le vélo ou la marche comme principal moyen de locomotion). Adopter un portage politique volontariste et assumé L'abaissement de la vitesse maximale autorisée peut susciter un certain agacement des administrés. Une volonté clairement affichée par les élus, une communication s'appuyant sur des éléments factuels et une concertation maîtrisée sont autant d'outils qui permettront à la démarche d'aboutir sans blocage de la population. Recommandations formulées : Afficher publiquement la volonté de l'exécutif d'offrir davantage de sécurité aux usagers de la route ; Dépolitiser la démarche en avançant les éléments scientifiques en faveur de la généralisation du 30 km/h ; Apporter et assumer les arguments nécessaires lors des concertations avec les usagers pour que la participation de ces derniers ne bloque pas la généralisation de la mesure. Co-construire La démarche de généralisation, bien qu'impulsée par l'exécutif local, gagnera à être co-construite avec des experts et des partenaires institutionnels clés (conseil départemental, préfecture, communes voisines). Recommandations formulées : Repérer les besoins en compétences techniques nécessaires à la généralisation mais non disponibles en interne (étude des modes de transport, cartographie des déplacements, recensement des axes nécessitant un aménagement ou une dérogation au principe). Si nécessaire, s'assurer sur ces actions l'appui d'un(de) partenaire(s) extérieur(s) ; Pour les communes constituant un pôle urbain : rassembler le plus de communes possibles autour de la démarche de généralisation afin d'impulser une dynamique intercommunale et d'assurer la cohérence des actions ; Recueillir l'avis “simple” mais obligatoire du conseil départemental concernant l'abaissement de la vitesse maximale autorisée sur les routes départementales en agglomération ; Recueillir l'avis conforme obligatoire du préfet concernant l'abaissement de la vitesse maximale autorisée sur les routes classées à grande circulation. Se projeter dans une démarche globale La ville à 30 s'inscrit dans une démarche globale d'apaisement de l'espace public. Cet apaisement se matérialise notamment par une réappropriation de la voie publique par les piétons et une réduction du niveau sonore ambiant. La réduction des vitesses pratiquées, induite par la généralisation du 30 km/h, contribue à ces deux objectifs. Recommandations formulées : Engager, en parallèle de la généralisation du 30 km/h, une réflexion autour de la révision du plan de circulation de la commune, l'objectif étant d'apaiser les rues en favorisant les modes de transport alternatifs ; Envisager la révision des régimes de priorité dans la commune dans un objectif de fluidification du trafic : remplacement des feux tricolores les moins pertinents par des priorités à droite (réduction d'émissions de dioxyde de carbone et de particules fines) ; Identifier les axes nécessitant un aménagement de pistes cyclables ou de voies réservées aux bus. Recenser et budgéter Afin d'assurer une généralisation du 30 km/h cohérente et maîtrisée, il convient de recenser et de budgéter un certain nombre d'aménagements pouvant accompagner le changement de réglementation. Recommandations formulées : Déterminer les axes qui nécessitent la mise en place d'aménagements de modération de la vitesse. Programmer ces aménagements sur la durée si les coûts sont trop importants ; Prévoir et budgéter les aménagements nécessaires au passage de la voirie en double-sens cyclable, mesure obligatoire pour les voies à sens unique limitées à 30 km/h ou moins ; Donner de la cohérence à la signalisation, notamment en supprimant les marquages au sol et la signalisation faisant référence à des zones 30 ; Identifier les axes sur lesquels la circulation pourrait se reporter une fois la généralisation effective, et préparer les éventuels aménagements nécessaires. Communiquer au plus près de l'usager et de manière régulière La communication auprès de tous les usagers gagnera à être conduite au plus près de l'usager en amont, pendant, et en aval de la généralisation. Elle doit permettre l'appropriation de la notion de Ville 30 par le plus grand nombre. Recommandations formulées : Privilégier une communication de proximité menée par les élus (réunions publiques, animation de webinaires sur des canaux populaires du type Facebook live, rencontres sur les marchés, lien avec la presse quotidienne régionale) ; Communiquer autant sur les gains de sécurité pour l'automobiliste que ceux pour le piéton ou le cycliste ; Équiper la police municipale d'outils lui permettant une action de prévention active (cinémomètres laser). Évaluer L'évaluation de la généralisation du 30 km/h présente deux principaux intérêts. Elle permet d'un côté d'appréhender l'efficacité de la mesure et d'un autre de nourrir la communication auprès des usagers. Recommandations formulées : Effectuer un suivi et une évaluation de la généralisation du 30 km/h sur la base des données recueillies en amont ; Diffuser et valoriser les résultats de cette évaluation pour rendre compte aux usagers ; Étudier, à partir de ces évaluations, les éventuels ajustements et les mettre en œuvre si leur nécessité est confirmée. Principales références bibliographiques Cerema. Aménager des rues apaisées : zones 30, zones de rencontre et aires piétonnes. Bron : Cerema, 2019. Collection : Connaissances. ISBN : 978-2-37180-414-2. Archer, J., Fotheringham, N., Symmons, M. and Corben, B., The impact of lowered speed limits in urban /métropolitan areas, Monash University Accident Research Centre, Janvier 2008, 71 pages. Cuny, S., Chajmowicz, H., Yong, K., Hermitte, T., Lecuyer, E., Bertholon, N., A Tool to Assess Pedestrian Safety : Risk Curves by Injury Severity and their Confidence Intervals for Car-to-Pedestrian Front Collision, International Research Council on the Biomechanics of Injury, 2018 IRCOBI Conference Proceedings, 12 – 14 September 2018 – Athens (Greece), 10 pages. Mots clés Généralisation du 30 km/h, Apaisement de la vitesse, Collectivités, Retour d'expérience, Recommandations, France.