Le projet INFLUBIO (2017-2020) a mené une réflexion sur les conditions d’expression des inquiétudes à l’égard de la biodiversité autour du projet Seine Nord Europe. Il a identifié des formes de mises en récit du canal qui contribuaient à disqualifier politiquement ces inquiétudes. Il a ainsi proposé une méthodologie originale contribuant tout d’abord à montrer la part politique des récits favorables au projet et ensuite à recueillir l’expression de craintes environnementales, sans les défendre politiquement, auprès d’acteurs peu entendus sur le territoire comme les acteurs associatifs. Il a permis enfin d’en discuter la portée avec un écologue pour identifier les causalités pertinentes et les assembler, à partir de la notion de « motif environnemental » (Bouleau, 2019) en trois récits alternatifs alignés sur des visions du futur de la crise écologique (croissance verte, sobriété et modernisation écologique). Cette méthodologie repose sur un travail d’enquête qui ne peut pas se faire sans mettre à distance le projet. Elle consiste en une sorte de discipline de l'esprit, qu’il faut se garder d'interpréter comme hostile, car elle a pour unique objet de prendre au sérieux la biodiversité et de permettre au projet et au territoire dans lequel il s’insère, de mieux connaître ces enjeux. Les auteurs ne portent pas de discours normatifs sur les arbitrages à faire entre la biodiversité et d’autres enjeux. Leur motivation vise à éviter que ces arbitrages ne soient faits par une disqualification a priori de savoirs pourtant présents sur le territoire. Cette posture rejoint une « heuristique de la crainte » (Jonas, 1990) peu habituelle mais féconde