De multiples interventions se déploient en Afrique australe pour réformer les lois et les politiques foncières, aux côtés de projets à forte emprise spatiale, pour préserver la nature (parcs, réserves, corridors, zones tampons), dynamiser l’agriculture (titres associatifs, corridors de croissance agricole, clusters agroindustriels), relancer l’exploitation minière et énergétique (concessions d’exploration ou d’exploitation, zones économiques spéciales, espaces de compensation), ou encore protéger les populations (reconnaissance de droits ancestraux, titres communautaires, conservancies). Cet article met en perspective ces interventions en proposant une lecture historique, politique, et géographique de la fabrique et la mise en œuvre des politiques foncières en Afrique australe. La période contemporaine, marquée géographiquement et juridiquement par un fort héritage colonial et des réformes postindépendances limitées, se caractérise par une dissolution de l’ambition d’une intervention unifiée des Etats africains sur leur territoire et une hétérogénéisation des relations foncières. Ce mode de gouvernement, fragmenté et différencié, se distingue du système bifide formalisé pendant la période coloniale. Il est caractérisé par une multiplication de statuts fonciers portés par des coalitions d’acteurs distinctes, qui modifient les lois et leur mise en œuvre par morceaux, parfois de manière contradictoire, sans qu’une cohérence soit imposée par le gouvernement. Ceci appelle à une analyse contextuelle des interventions foncières – de la multiplication des bricolages au sein des cadastres, à l’accumulation des projets pilotes, en passant par le règlement contingent des obstacles légaux ou pratiques – qui déconstruit les catégories (entreprises étrangères, élites politiques, petits paysans, habitants) pour situer les gagnants et les perdants de façon socio-historique.