Troisième fils du duc Charles-Emmanuel Ier de Savoie, Emmanuel-Philibert (1588-1624) est resté dans l’ombre de ses deux frères aînés destinés à prendre les rênes du duché. Pourtant, il a connu un formidable - mais bref - destin entre Turin, Madrid et Palerme. Au service de Philippe III d’Espagne depuis 1610, il devient grand amiral (1612) pour défendre des côtes siciliennes et napolitaines face aux Barbaresques puis vice-roi de Sicile de 1622 jusqu’à sa mort en 1624. Il devient un prince plus influent et plus haut placé dans la Société des Princes que son père en tant qu’alter-égo du roi d’Espagne. En parallèle, Emmanuel-Philibert entretient une dense correspondance diplomatique avec sa famille qu’il a pu entremettre auprès de la cour de Madrid en cas de conflit comme lors de la première guerre de Succession du Montferrat à la fin de laquelle il propose, en vain, un projet d'accommodement entre son père, le duc de Savoie, et le duc de Mantoue dont la succession est appuyée par Madrid. Il tient alors une position « d’entre-deux » tant d’un point de vue culturel, politique et diplomatique. Même sur le plan territorial, il est un prince possessionné tant du côté des Alpes (Oneglia, Maro et Prela) que de la péninsule ibérique (grand prieuré de Castille et de Léon). Née de la rencontre de nos travaux portant sur la vice-royauté du troisième duc d’Osuna (1574-1624), vice-roi de Sicile, et sur l’affirmation de la maison de Savoie, cette communication ambitionne de montrer comment se construit une politique « d’entre-deux » ayant permis à un prince des Alpes d’embrasser une prestigieuse carrière en servant le roi d’Espagne en Méditerranée. Au vu de la postérité qu’il connait dans la péninsule ibérique, on serait en mesure de se demander s’il ne serait pas plus espagnol que piémontais, donc d’interroger son statut de prince d’entre-deux. Après tout, c'est au Panteon de Los Reyes (Escurial) que son corps repose aux côtés des défunts rois d'Espagne.