La notion de langue étrangère opère et cartographie nos imaginaires mais ... une langue peut-elle être étrangère ? D’un point de vue historique, la langue dite étrangère est une extranéité nécessaire à la construction impérialiste des Etats-nations et de leurs langues « reflets du génie national ». Le français langue étrangère s’inscrit d’ailleurs dans ce processus de catégorisation ethnico-raciale lié au contexte colonial dans lequel il émerge. Dans le champ didactique, cette notion, en partie essorée de son héritage historique, délimite aujourd’hui des ensembles de situations d’apprentissage mais doit-on s’habituer à viser l’appropriation d’une langue en la qualifiant d’emblée d’étrangère ? D’autant que d’un point de vue psycholinguistique, la langue n’appartient pas à un espace ou une communauté donnée, elle est apprenable et tout locuteur, multilingue en puissance, est doté de la faculté de se l’approprier à un moment de son existence. Et une langue acquise tardivement n’est a priori pas plus étrangère qu’une langue apprise précocement, d’autant plus si on admet que l’apprentissage tardif et la maîtrise intermédiaire d’une langue représentent un cas de figure beaucoup plus fréquent que l’apprentissage précoce d’une langue et sa maîtrise aboutie. Partant des recherches acquisitionnelles, nous questionnerons les fondements de la notion de langue étrangère et reviendrons sur la question didactique, cruciale, de savoir que faire dans l’espace de la classe avec celles et ceux qui sont exposés tardivement à une langue. Il s’agira de penser les leviers sur lesquels l’enseignant, acteur parmi d’autres, peut agir afin de contribuer au processus d’apprentissage, lever les frontières, créer du commun et cosmopolitiser nos imaginaires didactiques.